Courtoisie, Société historique du Saguenay |
Il faut se
méfier des historiens comme des économistes. Leur érudition ne garantie en rien
l’infaillibilité de leurs propos. Aucun économiste au monde n’avait prévu la
crise boursière de 2008-2009. Aucun historien ne peut prétendre à la stricte
exactitude des faits du passé.
Même les plus
rigoureux, comme Mgr Victor Tremblay, fondateur de la Société historique du
Saguenay, transmettent leur vision de l’histoire à travers le prisme de leurs
convictions. Comme le dit sans détour, l’historienne et polémiste bien connue,
Russel-Aurore Bouchard, « Mgr Victor, par exemple, nous présente une
vision toute épiscopale de l’histoire régionale. »
Après des
années de recherches et de voyages
dans le temps, l’historienne Russel Aurore Bouchard croit avoir suffisamment
amassé de preuves pour avancer que la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean est
encore composée aujourd’hui à 75% de descendance métis. Dans l’une de la centaine de
publications dont elle revendique la maternité, «Le dernier des Montagnais»,
elle démontre que le Montagnais de l’arrivée des premiers européens n’existe
plus. Tout au plus, les descendants autochtones d’aujourd’hui sont, selon elle,
issus de croisement entre les rescapés de différents clans :
Algonquin, Atikamek, Huron,
Abénakis, Cri et autres, épargnés de la maladie et des guerres.
Dans son dernier
livre, «Naissance d’une nouvelle humanité au cœur du Québec», la
percutante historienne revient de
nouveau sur le sujet. Elle trace, avec rigueur et un souci de l’exactitude sentie, la passionnante histoire de ces
mariages à la mode du temps entre coureurs des bois, Écossais, Irlandais et sauvagesses. Ces ancêtres, souvent
polygames, constituent la fondation même de tout le peuplement du territoire du
Saguenay-Lac-Saint-jean.
L’auteure évoque
au départ le cas de Nicolas Pelletier, fondateur des postes et missions de Chicoutimi
et Métabetchouan en 1670, marié trois fois à des sauvagesses. Elle ajoute que
tout au long du XVIIIe siècle que le parcours matrimonial de ces hommes n’était
plus une exception. Évoquant le passage des Bacon, Hervieux, Cleary, McNicoll et quelques autres, elle écrit : «à eux seuls ces 11
hommes ont connu 30 mariages dont 23 avec des sauvagesses et sept avec des
blanches.»
Dans ce
magistral éditorial qui prend davantage l’allure d’une thèse doctorale que de livre
d’histoire, Bouchard va même jusqu’à juger sévèrement les chercheurs d’histoire
et les anthropologues «qui ont eu tort de mettre dans le même terreau de
reconstruction les indiens de la diaspora algique et huronne».
Faisant fi des
tabous, elle n’hésite pas à corriger l’anthropologue et célèbre écologiste
américain, Peter Farb, en avançant que contrairement à ce dernier, l’endogamie
et le mariage entre proches parents n’est plus un obstacle à l’union d’un homme
et d’une femme.
Déjà à la
création de la première réserve créée par le Canada uni en 1853, environ 38
familles étaient reconnues posséder les critères pour y habiter. Et Bouchard
constate dans cette ethnogenèse du
peuple métis de la Boréalie que parmi ces familles se trouvent déjà plusieurs
métis. Et toujours, selon cette prolifique auteure, ce sont ces familles, somme
toute, qui ont présidé à l’ouverture du Lac-Saint-Jean à la colonisation.
Richard Banford
Chroniqueur
Richard Banford, a exercé la profession de
journaliste et éditorialiste à la Maison de la presse de Chicoutimi pour les
journaux Le Quodien et Le Progrès Dimanche, de 1973 à 2005. En 2005, il prend
sa retraite et occupe la fonction
d’attaché politique, principalement comme conseiller en communication auprès du
maire de Ville de Saguenay. Dans ses temps libres, pour maintenir la forme et
l’habitude de l’écriture, il livre ses réflexions sur divers sujets de l’épopée
historique de faits divers, des us et coutumes de la région.
Il a été associé longtemps au spectacle de
la « Fabuleuse histoire d’un Royaume » à titre de comédien.