Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, nouvellement formé, tient en ce moment sa première session à Genève. Le Canada étant l'un des 47 membres élus du Conseil, il participe à cette réunion historique. Le Conseil se penchera sur l'importante question de l'approbation du Projet de déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.
Depuis plus de 20 ans, cette déclaration et son contenu ont fait l'objet de discussions en profondeur à l'ONU. À ce chapitre, le Canada a fait preuve de leadership ces dernières années. Il a demandé que les droits des peuples autochtones soient reconnus, étape d'une extrême importance pour l'élimination de siècles de discrimination. La plupart des pays ont une approche similaire.
La violation des droits des 370 millions d'autochtones à l'échelle mondiale a laissé un héritage épouvantable : niveau de pauvreté élevé, mauvaise santé, faible espérance de vie, menace à l'existence même de cultures et de peuples distincts. Il est urgent que soit adoptée une déclaration affirmant clairement les droits des peuples autochtones.
Toutefois, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont affirmé publiquement et à tort que cette déclaration manquait d'équilibre, que les droits des peuples autochtones pouvaient bafouer les droits de tiers. Ces trois pays ne tiennent pas compte du texte que le Conseil des droits de l'homme a entre les mains, qui contient l'assurance explicite selon laquelle «les droits de l'homme et les libertés fondamentales de tous seront respectés».
Dans toute situation pouvant affecter les autres, les droits de chacun doivent être considérés de manière juste et égale. La déclaration prévoit en outre une interprétation «conformément aux principes de justice, de démocratie [...] d'égalité, de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi». Ces principes sont au coeur même du droit canadien et du droit international en matière de droits humains.
Le Canada a aussi oeuvré à clarifier l'intention générale de la déclaration, soit favoriser des relations harmonieuses entre États et peuples autochtones. Cette clarification a aidé à consolider l'appui qu'un grand nombre de pays d'Europe et d'Amérique latine donnent à cette déclaration. Le Canada a joué un rôle de premier plan en comblant le fossé entre les différences persistantes.
Lorsqu'il faisait campagne en vue d'obtenir un siège au Conseil des droits de l'homme, le Canada a souligné ses engagements internationaux clés en matière de droits humains. Ainsi, la promotion de nouveaux instruments de droits humains par le Canada et sa promesse d'en faire davantage chez lui pour faire valoir les droits des groupes marginalisés ont été invoquées. Cela incluait les peuples autochtones. Par contre, le Canada n'a pas promis de donner son appui à la déclaration.
À la Chambre des communes, on a demandé au gouvernement Harper s'il appuierait l'adoption de la déclaration. Le gouvernement a refusé de répondre, laissant entendre qu'il fallait étudier davantage la déclaration. Le Comité permanent des affaires autochtones a adopté une motion demandant que le Canada vote en faveur de la déclaration à la première session du Conseil des droits de l'homme. Le Bloc québécois, les libéraux et le NPD ont tous appuyé la motion. Les conservateurs se sont abstenus.
La réticence du gouvernement à se prononcer publiquement sur la déclaration fait de plus en plus craindre que ce dernier se soit engagé en privé à se joindre au trio États-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande, toujours plus isolé.
Il semble que le gouvernement canadien fasse désormais pression auprès d'autres gouvernements pour qu'ils votent en faveur de la réouverture des négociations sur la déclaration.
Manquement aux responsabilités
Sur les questions de droits humains, nous favorisons une approche plus directe avec le Parlement. Notre processus démocratique exige, au minimum, de la transparence et de véritables consultations. En sapant les efforts déployés au cours des 23 dernières années en vue d'assurer la reconnaissance des droits des peuples autochtones, le gouvernement manque à ses responsabilités constitutionnelles et internationales, notamment ses obligations en tant que membre du Conseil des droits de l'homme.
Le Canada retire-t-il son appui à la déclaration au moment précis où celle-ci pourrait franchir une étape décisive ? Nous espérons que non. Les peuples autochtones du monde ont besoin d'une protection efficace de leurs droits humains. Même si le Projet de déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones n'est pas un traité, on y reconnaît des normes essentielles à la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones à l'échelle mondiale.
Le Canada assure depuis longtemps que le monde profitera de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Nous invitons le Canada à donner suite à cette affirmation.
La poursuite du débat pourrait entraîner d'interminables délais, ouvrir la porte à d'autres objections et compromettre l'affirmation des droits humains des peuples autochtones, déjà reportée depuis trop longtemps. Le Conseil des droits de l'homme a besoin du leadership du Canada. Si le Canada fait marche arrière à titre d'ambassadeur des droits humains, il desservira les intérêts des peuples autochtones, du Canada et de la communauté internationale.
Warren Allmand
Ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et ancien président de Droits et démocratie
Bernard Landry
Ancien premier ministre du Québec
Roméo Saganash
Directeur des relations avec le Québec et le monde au Grand Conseil des Cris
21 juin 2006
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