
Vous, qui en avez vu d'autres, vous avez évidemment compris que la multinationale n'a pas commis ce geste d'accueil pour les qualités intellectuelles de M. Moar, mais bien pour le pouvoir d'interférence politique qu'il représente. La population régionale et la communauté Métisse de ce territoire devraient s'inquiéter de ne pas avoir été conviées à siéger au saint des saints de la multinationale. Si les élus municipaux, les représentants des MRC et les préfets n'ont pas compris qu'ils viennent de se faire fourrer, encore une fois, s'il n'ont pas compris que l'Approche commune est déjà en vigueur malgré l'absence d'un traité formellement signé ; s'ils n'ont pas compris cela, c'est qu'ils ne comprennent strictement rien à ces grands jeux d'alcôves dans lesquels ils ne sont que des figurants de carton (à moins qu'ils en soient, à quelque part, les complices muets et passifs, ce qui ne serait pas une première chez nous).
Si cette nouvelle, qui vient de tomber en plein milieu de l'été, réjouit à juste titre l'ensemble de la communauté ilnuth de Mashteuiatsh qui s'en trouve ainsi honorée (et monétairement gratifiée) ; si cette nouvelle passée dans la passivité estivale fait du bien à la fierté de M. Moar et aux chefs du conseil de bande, les Métis du Saguenay, pour leur part, devraient s'en inquiéter. Les chefs métis et les élus de ville de Saguenay ne doivent pas perdre de vue que les 35 kilomètres du lit de la rivière Saguenay sur lesquels reposent les plus grands pouvoirs électriques de l'Alcan au Québec, leur ont été ravis au début des années 1920 sans aucune compensation et qu'ils sont en droit de réclamer à la fois réparation et compensations.
Je crois que les Métis de la Boréalie québécoise doivent prendre note et fait de ce dernier déroulement où ils subissent le plus grand des mépris de la multinationale Rio Tinto Alcan. Ils doivent garder dans leur tête qu'ils sont toujours propriétaires de ces territoires que l'État québécois a bradés pour une bouchée de pain sans leur demander leur avis. Dans cette manoeuvre équivoque, le moins que Rio Tinto Alcan aurait pu faire, c'est d'inviter l'un des nôtres à cette table en signe de respect et de reconnaissance pour tout ce que nous avons fait pour eux. Un première offrande de tabac aurait été pour nous un moment historique...
Terres-Rompues, terres métisses

Cela dit, à l'automne, je lance un cinquième et un sixième livre sur les Métis de la Boréalie. Le premier, titré « Dans les langes métisses des Terres-Rompues », sera publié à compte d'auteur ; et le second, titré « Les dix textes fondateurs du Peuple Métis de la Boréalie », sera publié à Montréal aux éditions Michel Brûlé.
Dans le premier cas, les Métis du Québec tout entier pourront se réjouir d'y trouver la démonstration et la preuve —irréfutable— de l'existence d'une communauté métisse historique toujours vivante dans le triangle Chicoutimi – Shipshaw — Sainte-Anne. Une première appelée à ouvrir la porte de la reconnaissance de toutes les autres communautés métisses du Québec et de l'Est du Canada. Cette démonstration, qui court sur 162 pages bien documentées, s'appuie sur une multitude de documents historiques, un inventaire cadastral, des généalogies (75 en tout), plus de 40 photos et des témoignages d'anciens qui font remonter l'horloge du temps à la première moitié du XXe siècle, quand nous y vivions en paix, sans devoir rendre de comptes à personne, ni à l'Alcan, ni aux gouvernements, ni aux Ilnutsh.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce territoire, les Terres-Rompues sont à la tête de la marée du Saguenay. Elles forment cette portion régionale très accidentée où se rejoignent, dans le tumulte et l'impétuosité du Grand-Remous, les eaux du lac Saint-Jean, des rivières au Sable, Shipshaw et aux Vases, la plus formidable source énergétique du coeur du Québec. C'est à ce confluent qu'ont du reste été construits les grands barrages de l'Alcan au Saguenay (aujourd'hui Rio-Tinto-Alcan). Depuis des temps immémoriaux, cette terre est métisse, totalement métisse, essentiellement métisse, et toujours propriété des Métis puisque notre peuple n'a jamais cédé ces terres qu'on lui a carrément volées.
Russel Bouchard
Lien de Mémoire de la CMDRSM
Photo ci-jointe : le cap du Cran Serré, derrière lequel tournent les turbines des centrales hydroélectriques de Shipshaw et de la chute Wilson. Sur ce cap du Cran Serré, les McLeod, père et fils, y avaient construit une sorte de manoir par où est passé le premier mouvement de colonisation du Haut-Saguenay et du nord du Lac-Saint-Jean.