Au
début du mois de juin, la « Commission de vérité et réconciliation du Canada »
(CVR) a rendu public les 94 recommandations adressées aux gouvernements fédéral
et provinciaux afin de « remédier aux
séquelles laissées par les pensionnats et faire avancer le processus de
réconciliation ». À juste titre, le rapport de la Commission
établit que la réconciliation ne sera pas une mince affaire dans le contexte
actuel. « Trop de Canadiens savent peu ou prou des profondes racines
historiques de ces conflits »,
rapportent les commissaires qui en profitent pour rappeler que
l’histoire des premiers peuples d’Amérique a été dénaturée et déviée de son
sens.
Après
avoir pris connaissance des conclusions et des recommandations du Rapport, les représentants de la communauté de Mashteuiatsh
se sont dit soulagés et ils en ont profité pour qualifier les pensionnats
autochtones, qui sont à la base de cette enquête, de « génocide culturel ». Parlant des souffrances qu’il a lui-même
subies dans ces horribles pensionnats, l’ancien chef de la réserve, Clifford
Moar, a demandé que « cette
histoire-là soit enseignée chez nous [et] chez nos voisins », et il a rappelé, à juste titre, qu’il faut d’abord savoir ce qui
s'est passé.
Personnellement, je souscris aux souhaits de MM. Moar et Dominique et je
compatise avec tous ceux et celles qui ont subi le mépris, connu l’humiliation
et enduré les atrocités dans ces pensionnats. À ces égards, le silence n’est évidemment
pas une option et je m’empresse de saluer les efforts menés par les
commissaires qui en appellent à la réconciliation. De toute évidence, cette
entreprise ne peut passer que par le chemin d’une mémoire autochtone dépoussiérée
de ses vieux fantômes, libérée de ses silences et de ses oublis.
Comme Lien de Mémoire des Métis de ma région, j’ajoute
ma voix à celles des chefs des Premières nations qui parlent au nom de leurs
peuples. Je les appuies dans leurs demandes, mais je leur rappelle qu’ils n’ont
pas l’exclusivité de ces injustices et qu’ils devront ajouter, dans la liste de
ces oublis, les souffrances des Métis du Québec qui, depuis la fameuse loi de
1851, ont été à la fois soustraits des registres officiels de l’État et amenés
à étudier une histoire dénaturée dans laquelle ils n’existaient plus.
Notre
histoire est commune, notre mémoire appartient à celle d’une rencontre ; c’est
celle d’un partage, d’une alliance, d’une vieille amitié et d’une mort à petit
feu programmée de longue date dans les lois du pays. Nous ne voulons pas
prendre la place de qui que ce soit ; nous voulons simplement prendre celle qui
nous appartient et qui nous revient. Nous voulons être considérés avec justice
et nous entendons être reconnus comme l’histoire nous le doit, comme étant
celle de l’un des peuples fondateurs de ce continent et de notre région. L’histoire des Indiens du Canada ne peut donc
s’expliquer et se raconter sans la nôtre, et ce serait mensonge que de vouloir
la raconter autrement.
Les
Métis, parce qu’ils ont pris une autre voie que celle des réserves où se sont
retrouvés plusieurs autres Autochtones, n’y ont pas échappé eux aussi. Comme
les Indiens, ils ont été broyés dans l’histoire officielle du pays. Comme eux,
ils ont été amenés à s’écraser. Comme eux, ils ont été dépouillés de leurs
droits ancestraux. Certes, nous avons pris une voie différente. Certes, nous
nous sommes associés aux arrivants et aux entrepreneurs de la forêt dans
laquelle nous étions toujours chez nous. Mais nous n’avons pas renoncé pour
autant à notre identité, à nos droits et à notre histoire.
Russel Bouchard
Lien
de Mémoire des Métis
21
juin 2015
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