Germain Simard, ex-président régional de l'UPA et représentant régional au sein de l'équipe de liaison gouvernementale.
Mercredi dernier, 11 avril, l'équipe de négociateurs du gouvernement du Québec chargée de conduire au dernier droit le traité de l'Approche commune avec les Ilnutsh de Nutashquan, Essipit et Mashteuiatsh, s'est présentée devant le Cercle de Presse du Saguenay ; une institution chez nous et un passage obligé médiatique pour quiconque veut communiquer ses idées et faire passer ses projets, viables ou pas.
Pour la circonstance, comme cela est le cas depuis le coup de chaleur populaire de 2004 au Saguenay à propos du controversé projet de traité, les journalistes ont eu l'occasion de vérifier l'état du dossier qui, n'en doutons pas un seul instant, est loin d'être mort au feuilleton dans les bureaux des mandarins de la fonction publique. Encore une fois, le gouvernement n'y a pas été de main morte pour convaincre le bon peuple. Il a sorti ses gros canons, des canons qui tonnent fort et qui nous coûtent fort cher en deniers et en énergie. Dans le langage ampoulé de ces milieux où la voix du peuple est totalement écrasée, on appelle cela... « vérifier le degré d'acceptation sociale » du dossier. C'est-à-dire réduire au silence les meneurs d'opinions réfractaires et s'assurer, en parlant la langue de bois, qu'on ait réussi à crémer suffisamment la surface du gâteau empoisonné pour inciter le plus grand nombre à le manger malgré son contenu.
Cette bordée de visiteurs émérites est loin d'être innocente sur le plan politique et sait comment causer quand il s'agit de passer le sapin. Parmi ces visiteurs d'un jour qui nous en promettent d'autres jusqu'à ce que l'insertion du sapin soit complétée, citons, pour l'histoire qui s'écrit, les noms de : Me Jean Bertrand, le conseiller juridique « de cette équipe de diplomates » (!!!) pour reprendre les termes du journaliste Louis Tremblay (Le Quotidien, 12 avril) ; Yves Fortier, justement diplomate de carrière ; Germain Simard, responsable régional au sein du comité régional ; et Anthony Detroio, ex-maire de Port-Cartier, responsable du comité de liaison avec les citoyens dans le cadre des négociations. Quatre personnalités réputées maître en la matière, fins discoureurs et bons serviteurs de l'État pourvoyeur.
À ce qui ressort de cette formidable rencontre de presse, le bon peuple appelé à en faire les frais, « ne doit pas s'attendre à voir des cartes pour savoir où passe une ligne précise », car ce sont plutôt, pour cette phase cruciale, « les mécanismes sur les affectations des territoires » qu'ils entendent présenter à la population « pour connaître son opinion ». Depuis 2004, tient encore encore à préciser le quatuor, « il y a une obligation pour le gouvernement du Québec de consulter les Innus dans les projets de développement du territoire. [Et], en retour, il y a une obligation pour les Innus de participer à la consultation » (Idem). M. Detroio a tenu du reste à préciser (Progrès-Dimanche, 15 avril) que les « Innus ont intérêt à clarifier les relations qu'ils entretiennent pour permettre un développement harmonieux du territoire », et, comme tous ses prédécesseurs avant lui, il a tenu a rappeler qu'au fil des ans, « les indiens remportaient à peu près tous les recours devant les tribunaux et qu'à ce titre, une solution négociée est de loin préférable ».
Cela étant, la population, nous promet-on encore, pourra obtenir toute la documentation nécessaire et sera « consultée » (!) d'ici l'été. Voilà qui promet ! Et voilà qui n'a rien pour rassurer ceux qui craignaient pour l'avenir. Transparence n'est pas nécessairement limpidité et vérité !
Entendons-nous bien. Réduire à une simple... « consultation » tout le sérieux qui nous divise, c'est, encore une fois, jeter de la poudre aux yeux aux citoyens. Surtout ceux du Saguenay et de la Côte-Nord (le Lac-Saint-Jean, par ses maires, ses préfets et sa gent d'affaires étant vendu à Mashteuiatsh pour les miettes qui tombent de sa table), qui ont toujours tout à perdre dans cette monumentale gabégie étatique. Encore une triste fois dis-je bien, on évite de préciser que le vrai fond du problème, c'est d'abord et avant tout la propriété du territoire, c'est-à-dire le titre foncier, celui qui sera reconnu aux Ilnutsh en même temps que le « titre aborigène », le plus important des droits ancestraux. Encore une triste fois, M. Detroio et ses amis font exactement ce qu'ont fait avant eux les Bernard, Chevrette, Peltier, Maltais et consorts : ils détournent le vrai fond du débat en usant de faux-fuyants, alors que ce qui est préoccupant pour l'avenir commun des populations directement impliquées, c'est la base même de l'accord, soit la propriété, l'usage et l'usufruit du territoire qui, sur la foi de notre histoire, est la propriété de tous ceux et celles qui y vivent et non pas seulement d'un petit groupe de citoyens plus citoyens que d'autres.
Le vrai fond du problème, c'est aussi le fait qu'en reconnaissant les Indiens comme seuls signataires autochtones dans cet accord, c'est mentir en persistant à dire qu'ils sont les seuls autochtones vivant sur ce territoire ; c'est faire disparaître un pan entier de notre histoire commune, une histoire écrite sur les rencontres, les échanges et la fraternité ; c'est carrément nier les autres communautés ethno-culturelles pour pérenniser leur état de locataire dans leur propre pays ; c'est faire fi de la souffrance de tous ceux et celles qui ont édifié ce pays avec leurs sueurs, leurs souffrances et leurs pleurs. Le vrai fond du problème, c'est encore et davantage heurter de plein fouet la réalité des peuples autochtones de la Boréalie québécoise, plus particulièrement les Métis mais aussi les Canadiens français qui, chacun à leur manière, ont permis aux Indiens de ne pas disparaître et au peuple de tout le Québec de prospérer sur la base de leurs labeurs et de leurs ressources.
Décidément, nous n'en sortons pas ! Pour que ce traité soit viable et porteur de paix, il faut d'abord et avant tout qu'il soit gage de justice et porteur de sens. Et pour y arriver, il faut invariablement nous assurer que tous les citoyens de ces régions, Métis en tête, soient parties prenantes du traité, c'est-à-dire nommément inscrits comme peuples fondateurs et membres collectifs à part entière des défis qui les lient à l'ensemble, pour le meilleur et pour le pire. Après tout ce temps, je ne croyais décidément pas devoir répéter à tout ce beau monde que la justice dont on se réclame, comprend tout son monde ou n'est qu'un leurre de justice qui mérite notre mépris et notre refus d'y souscrire.
À ces messieurs et aux gouvernements je dis toujours : vous voulez que la population accepte ce traité ? Alors rendez-leur justice en les reconnaissant nommément dans le traité. Donnez-leur ce que vous donnez aux autres. Chacun y trouvera son profit et tous seront contents...
Russel Bouchard
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2 commentaires:
Monsieur Bouchard,
Votre article, " L'Approche commune : donnez aux Métis les mêmes avantages et reconnaissances qu'aux Ilnutsh et ils signeront à deux mains !" est très bien, nous dirions même, qu'elle pointe le fond du problème. Nous avons apprécié entre autre, votre citation "Dans le langage ampoulé de ces milieux où la voix du peuple est totalement écrasée, on appelle cela... « vérifier le degré d'acceptation sociale » du dossier", fort bien dit, ce gâteau qu'on ait réussi à crémer suffisamment reluisant et invitant. Cependant, ce gâteau empoisonné est empoisonné seulement pour ceux qui le mange et potentiellement dangereux seulement pour ceux qui le regarde de près.
Ce quatuor est simplement un remplacement des quatre ex-mousquetaires qui avaient échoué à la tâche que le gouvernement fédéral leurs avaient donné. Ne vous en déplaise, il y en auras d'autres. Les autres ne seront pas toujours des mandataires du provincial.
Ces gens disent, "« il y a une obligation pour le gouvernement du Québec de consulter les Innus dans les projets de développement du territoire. [Et], en retour, il y a une obligation pour les Innus de participer à la consultation », nous en somment conscient et d'un point de vue global, c'est aussi très bien. M. Detroio a tenu du reste à préciser que, « les indiens remportaient à peu près tous les recours devant les tribunaux et qu'à ce titre, une solution négociée est de loin préférable ». Vous êtes vous posez la question, de quels tribunaux il s'agissait?
Ceux qui tirent les ficelles ne sont sûrement pas les gens que vous avez rencontré. Pour notre part, il est évident que nous pouvons offrir notre entière collaboration au processus de consultation. Politiquement parlant, c'est dans cet esprit de collaboration et de travail conjoint que notre message peut porté. Il ne s'agit pas ici de confronté mais plutôt de travailler ensemble. Les décisions ne sont vraiment pas à ce niveau-ci. Le vrai fond du débat n'est qu'au future.
Le titre à l'entête de votre article est sûrement plastronné et plus adapté a une plénum future.
Steve Jomphe
simple citoyen métis
de la côte-nord
Un beau texte, une belle prise de position, monsieur Bouchard. Vous parlez universellement et ça fait plaisir à tout le monde, même si vous avez une responsabilité première envers les métis.
De la façon que je vois celà, moi, et justement en regard de que vous dites, à l'effet que les Innus ne sont pas les seuls répondants ou ayants droits du pays Innu, c'est qu'il s'agit en fait d'un pouvoir régional, cette affaire-là, un gouvernement régional, lequel devrait être soumis à une élection.
Cependant, de la façon que les négociateurs mènent l'affaire, ils ne veulent évidemment pas faire voir que c'est vraiment de celà qu'il s'agit, et d'une manière perverse, en donnant ce seul pouvoir aux Innus des réserves, sous le couvert d'élections démocratiques ... ouvertes aux seuls résidents (rouges de race!) des Innu Assis (des réserves un peu agrandies), en faisant voir que c'est compliqué, et que vous n'avez pas besoin de vous inquiéter pour rien, on connaît le tabac, fiez-vous sur nous (c'est la langue de bois, autrement dit, comme vous dites).
Moi, je ne crois pas ça du tout que le gouvernement du Québec soit obligé de négocier avec les Indiens des réserves, pour ne pas perdre d'autres causes devant les tribunaux. C'est nous prendre pour des caves. D'abord, il n'a pas à mettre les territoires du Québec sur la table, ça ne leur appartient pas (le gouvernement ne peut dilapider ce qui appartient au peuple), ce n'est pas leur devoir de faire celà. Leur devoir est de protéger le territoire du Québec, son intégrité, pour tous ses habitants. Il n'a pas d'affaire à donner celà à une petite clique de gens, sous quelque prétexte que ce soit.
Ce qu'il doit faire, le Gouvernement du Québec, c'est d'arrêter ces négociations, et laisser le Gouvernement fédéral et les Innus des réserves avec leurs problèmes, ça ne nous regarde pas.
Ou, en fait, ça nous regarde, c'est pour ça qu'on doit cesser d'y participer, à cette mascarade. On va perdre la moitié du Québec aux mains de quelques familles, ce n'est pas rien! et on va tomber du jour au lendemain dans un payx féodal, où nous n'aurons plus aucun
levier démocratique, et en plus nous appartiendrons au fédéral - tout le monde sera mis sous le régime des réserves, et on sera gouvernés par des gens qui n'ont jamais dirigé personne! ce qui est le comble de la farce.
- Où est le ministre?
- Il est parti à la chasse, monsieur. Est-ce important? Voulez-vous laisser un message?
Vous voyez le genre, on est pas sortis du bois!
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