Maître Carl Nepton, négociateur en chef des Ilnusth dans l'affaire de l'Approche communeLes Ilnutsh ont la mémoire sélective ; ils aiment bien oublier qu'ils ne sont pas les seuls Autochtones dans ce paysMonsieur Carl Nepton
Permettez que je réagisse à mon tour à votre diatribe publiée dans le journal
Le Quotidien du 3 mai 2008, sous le titre « Les Autochtones négocient de bonne foi ». Dans votre lettre adressée à l'éditorialiste Carol Néron, vous parlez en tant que
« Négociateur en chef des Premières Nations de Mashteuiatsh, Nutakuan et Essipit, Approche Commune ». Cette responsabilité aurait dû mieux vous inspirer. Au nom de tous les Ilnutsh, vous vous dites
« perplexe » eu égard aux commentaires dans lesquels l'éditorialiste questionne la pertinence de l'Approche commune et les deux niveaux de langage que les chefs de ces communautés ont tenu depuis le 14 juillet 2000, selon qu'ils soient ou pas en leur faveur.
Vous reprochez à M. Néron de
« mêler consciemment la négociation de l'Approche commune par les trois Premières nations Innus », « avec un incident [qui] implique des Cris et non des Innus ». Vous lui reprochez son
« désir [sic] de torpiller le futur traité des Innus ». Vous n'appréciez pas quand il écrit que l'Autochtone parle
« avec la langue fourchue ». Et vous lui rappelez que
« ce n'est certainement pas en faisant porter sur le dos de l'Approche commune toutes les coches mal taillées par des Autochtones du pays [qu'il parviendra] à favoriser un climat sain et serein de discussion... »Une mémoire sélectiveSi vous ne parlez pas avec la
« langue fourchue », comme vous nous l'assurez et comme je veux bien le croire, vous avez la mémoire sélective. Car je pourrais vous citer en référence au moins dix, vingt, trente textes où les éditoriaux, les chroniques et les nouvelles de la presse, tous médias confondus, vous ont fait la partie facile. Beaucoup trop facile compte tenu de la qualité de votre argumentaire qui s'empêtre dans les sentiments et qui s'ajuste mal à la critique quand elle vous est défavorable !
Voilà qui en dit déjà beaucoup sur vous et sur cette sorte de traité amphigourique que vous négociez dans le secret et sans vous soucier le moins du monde des autres depuis au moins seize ans. Curieuse lettre que la vôtre, vous dirai-je simplement Monsieur Nepton ! Vous questionnez la mauvaise foi de l'autre (et par lui, nécessairement tous ceux et celles qui ne sont pas pour le traité), mais vous ne vous privez pas de lui faire un procès d'intention dans la même lettre ouverte en l'accusant de vouloir « torpiller le traité ». Pour un avocat qui a une telle charge de responsabilité sur ses propres épaules, il y a de quoi rester dubitatif. Vous prenez soin de démêler les Innutsh des Cris en soutenant que tous les Autochtones ne sont pas Innu ou Cri. Ce qui est juste et vrai et ce que vous n'avez jamais pris le temps de corriger cependant puisque vous n'avez jamais cessé de vous présenter comme les seuls Autochtones du pays.
Le lourd préjudice créé aux MétisCet abus de langage crée d'énormes préjudices aux Métis et aux Canadiens français.
Je vous rappellerai du reste à cet égard que la confusion des genres dont vous vous dites aujourd'hui victime en tant que peuple, est imputable au discours que vous tenez sans jamais défaillir, un discours qui est loin de refléter la réalité historique et sociale du Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord. Je constate que vous, le négociateur en chef et les chefs Ilnutsh, n'avez de mémoire et d'arguments que ce qui sert bien votre propre cause. Contestez-moi si j'ai tort ! Depuis l'annonce du projet de l'Approche commune, voilà déjà huit ans, vous n'en n'avez pas perdu une pour vous présenter comme les seuls « Autochtones » des territoires que vous revendiquez dans le Nitassinan, et ce, sans égard aux Métis et aux Canadiens français qui ont peuplé ce pays de nos ancêtres communs et qui, ne vous en déplaise, ont permis au peuple Ilnusth de ne pas s'éteindre.
Monsieur Nepton, dans mon esprit à moi et dans celui de la vérité historique toute simple, votre discours prendra sa force et pourra être considéré quand vous, les chefs et les représentants Ilnutsh, reconnaîtrez officiellement, comme le veut du reste l'article 35 de la Constitution canadienne, que les Autochtones sont,
notamment, les Indiens, les Inuits et les Métis. Prétendre, comme vous le faites sans relâche et à toutes les tribunes, que les Métis ne sont pas un peuple, c'est enlever à la Loi suprême tous ses considérants et précisions, c'est aller à contresens de l'histoire, et c'est carrément détruire la Loi sur laquelle repose le socle de vos propres revendications.
Russel Bouchard
Métis montagnais–canadien-français et
Lien de Mémoire de la CMDRSM