Roger Banford, juge de la Cour supérieure du Québec
LOUIS TREMBLAY, Le Quotidien du 10 février 2015
(Chicoutimi) Au terme de l'un des procès les plus importants en droit autochtone au Canada, le juge Roger Banford de la Cour supérieure du Québec déboute un groupe de chasseurs québécois qui occupaient illégalement les terres de l'État sous prétexte qu'ils appartenaient à la Communauté métisse du Domaine-du-Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM).
Les membres de la CMDRSM ont ainsi échoué sur toute la ligne dans leur tentative de faire reconnaître par les tribunaux le fait «Métis» dans le nord-est du Québec. Il aura fallu 45 jours de procès pour faire valoir leur preuve sur l'existence ou non d'une communauté historique et contemporaine regroupant des individus partageant une culture à la fois différente des Indiens et des Québécois, selon les critères de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Powley en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne traitant des droits des premières nations.
«Dans ces conditions, il convient de rappeler qu'il appartient aux revendicateurs de droits autochtones de démontrer de façon prépondérante qu'ils rencontrent ce critère. Par conséquent, ce sont les éléments de preuve soumis par ces derniers qui doivent d'abord faire l'objet de l'appréciation du Tribunal en fonction du droit applicable», écrit le juge.
Dans cette cause, une grande partie de la preuve de la CMDRSM reposait sur les ouvrages de l'historienne Russel Aurore Bouchard. Le juge a apprécié les documents et les témoignages de l'historienne. Il a noté leur précision et leur pertinence dans cette cause. Cependant, ce ne fut pas suffisant pour démontrer l'existence d'une communauté semblable à celle de Sault-Sainte-Marie.
«On retrouve dans ces écrits la relation de nombreux faits historiques provenant de sources diverses et fort documentées. Cependant, les éléments d'information les plus anciens sont nécessairement moins nombreux et souvent repris d'un ouvrage à l'autre. De plus, cette documentation ne contient pas de référence à des faits aussi précis et déterminants que ceux qui ont permis d'identifier et de localiser un groupe spécifique à Sault-Sainte-Marie, par exemple», écrit le juge Roger Banford.
En rejetant la thèse de Bouchard, le juge pouvait difficilement ouvrir la porte aux thèses des quatre autres experts retenus par la CMDRSM. Dans son jugement, il constate que ces experts ont en bonne partie retenu les travaux de l'historienne pour bâtir leur expertise. «Tous s'inspirent des principaux éléments factuels historiques, principalement de l'oeuvre de Bouchard, pour les analyser et les interpréter à travers le prisme de leur propre champ d'expertise», reprend le juge Banford.
La thèse de Nicolas Peltier, ce personnage plus grand que nature et identifié par Russel Bouchard comme le fondateur de ce peuple métis, a rapidement été écartée par le juge Banford.
«Elle ne laisse place qu'à un seul constat: les enfants métissés de Nicolas Peltier se sont soit intégrés à la vie coloniale en se rapprochant des zones de peuplement, soit qu'ils se sont assimilés au mode de vie des autochtones. Il n'y a pas, dans ce cas, ne serait-ce que le début du commencement de la preuve de la formation ou, pour reprendre le terme scientifique retenu par la jurisprudence, l'ethnogenèse d'une communauté métisse historique distincte et reconnaissable au sens du critère préconisé par l'arrêt Powley», reprend le juge.
Le juge accorde un grand intérêt aux différentes vagues de métissage qui auraient contribué à constituer une communauté. Il décortique une à une ces vagues pour en arriver à la conclusion que dans chacun des cas, les prétentions des intimés ne sont pas fondées sur des faits. Il déboulonne ainsi le mythe de Romuald «Canayen» Corneau, qui aurait été à la tête d'un poste de traite aux Terres rompues. Dans les faits, il est cultivateur aux Éboulements avec sa famille et n'a donc pu tenir en même temps un poste de traite.
Pour les intimés de la nouvelle génération, le juge Banford les assimile beaucoup plus à des chasseurs qui craignent pour leur intérêt personnel qu'à une véritable démarche pour la reconnaissance d'un peuple. La chronologie du dossier Ghislain Corneau à elle seule démontre bien cette logique. Corneau a reçu un premier avis d'éviction en 1999. La décision dans Powley tombe en 2003 et Ghislain Corneau décide d'amender ses différentes procédures pour contester son éviction en 2006 et devient alors un Métis.
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