M. Alfred Mignot, administrateur du forum VoxLatina, réagit par courrier privé à mon commentaire et me dit qu'il n'a pas compris « quel était le lien de causalité entre la loi que vous critiquez et la perte de votre gagne-pain ». Cette remarque est justifiée et m'oblige à revenir sur le sujet en développant davantage sur ce point précis et à expliquer le but premier de ma lettre au Le Devoir.
Avant l'arrivée de cette loi qui multiplie les embûches pour les chasseurs et détenteurs d'armes à feu, les armuriers du Canada pratiquaient leur art selon une coutume séculaire qui avait quand même bien évoluée au fil des siècles ; les changents s'étaient faits tout naturellement, et s'ajustaient ainsi à l'évolution de notre société, tant canadienne que québécoise. Les règles qu'il me fallait suivre, comme bon citoyen, étaient donc celles établies par la coutume et par la loi ; mon inventaire d'accessoires était stable ; j'ouvrais ma boutique en juin jusqu'à l'ouverture de la chasse à l'orignal ; je faisais mon bilan en fin d'année, payait mon permis et mes impôts et récoltait le profit qui était bien peu en considération de tous les efforts que j'y mettais. C'était la règle et je la respectais.En octobre, ma pratique prenait un temps de repos et je recevais ma clientèle sur rendez-vous, ce qui me permettait de passer au mode écriture pour combler mon année.
C'était là la jouissance de ma liberté, en tant que bon citoyen et homme responsable devant la loi.
Mais voilà, lorsque la loi fut changée (une révolution dans le genre), cet équilibre séculaire fut rompu. Les obligations créées aux acheteurs étaient devenues telles que l'armurier que j'étais devait soutenir des inventaires davantage importants, garder encore plus longtemps les armes en consignation en raison de l'attente des permis, et remettre en vente les armes des clients refusées par la police du Québec qui est, en toutes circonstances, infiniment plus zélée que tous les autres corps de polices du Canada réunies. Et, comme un malheur n'arrive jamais seul dans cette sorte de dérangements, l'État s'est employé à abuser de la situation, les permis ont augmenté en nombre et en coûts, il fallait désormais verser trois mois d'impôts à l'avance en considération du chiffre d'affaires de l'année précédente, en plus de subir les visites policières qui n'avaient plus besoin de s'annoncer (même dans ma maison privée) et s'exposer à voir son dossier criminalisé en cas d'une simple erreur.
Pour dire court et bien, de citoyen responsable jouissant des droits et libertés assurés par la coutume et la loi, les armuriers sont devenus, au regard de la police, de la justice et des Parlements, des criminels qu'on tolère, et tous les prétextes étaient bon pour leur faire la vie dure afin qu'ils ferment boutique. En considération, les inconvénients, dangers et coûts auxquels je m'exposais étaient devenus tels que, de guerre lasse, j'ai décidé de fermer boutique. C'était là ma principale entrée d'argent pour nourrir ma famille.
Russel Bouchard
P.-S. Cela étant, il me faut dire également, avant de quitter, que la question que j'ai soulevée ici (« Lettre ouverte aux journaux du Québec et plus précisément au Le Devoir ») en est une d'importance au Québec. Elle tente de mettre en relation un problème récurrent, celui de la domination de Montréal sur l'ensemble des régions du Québec. Dans la perspective de la lutte pour l'Indépendance nationale, j'ai utilisé ici un sujet qui soulève présentement les passions chez nous (le registre des armes à feu), pour mettre en relief cette anomalie structurelle voulant que le principe fondamental de l'égalité des chances, selon qu'on vive à Montréal ou dans les régions excentriques, est bafoué. Ce qui est la cause d'une mauvaise répartition de la richesse selon les secteurs ; et ce qui explique, à son tour et en partie, un accroissement de la morbidité et de la pauvreté, un effondrement économique, une balance migratoire totalement déséquilibrée et déficitaire pour les régions ressources qui se sentent, à tort ou à raison, spoliées par Montréal, ressorts d'une fracture sociale qui s'élargit sans cesse entre notre Nord et notre Sud.
Dans ces circonstances, est-il possible, aujourd'hui, de faire l'indépendance du Québec ? Ou, encore, un Québec indépendant aura-t-il une incidence néfaste sur les régions excentriques abusivement cataloguées de « régions ressources » ?
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2 commentaires:
Bonjour,
Merci pour votre courriel, c'est toujours apprécié. Mais je pense que vous n'avez malheureusement pas tout lu ce que Le Devoir a publié sur le registre des armes à feu depuis 10 jours, notamment sous ma plume.
Samedi, il y avait un texte sur la riposte des pro-registres en page A7. Il ne faisait que témoigner de l'offensive qui se prépare, mais si vous tenez absolument à le catégoriser dans la catégorie «sauvons le registre», c'est votre affaire. Mais avez vous lu le texte substantiel en page B1? J'en doute. 1200 mots sur le désastre financier du registre, ça n'a certainement rien à voir avec un texte favorable au programme. Et avez vous lu mon texte d'il y a quelques jours qui dit que plusieurs députés d'arrière banc de tous les partis, y compris au Bloc, au NPD et chez les libéraux, sont en faveur de l'abolition, malgré la position officielle de leur parti? Certainement pas un papier en faveur du registre...
Je ne suis pas responsable de ce que mes confrères écrivent et c'est bien ainsi. Mais avant de me nommer dans un courriel pamphlétaire, il serait bien de lire tous les textes de l'auteur. Et si malgré tout vous me croyez biaisé dans ma couverture, c'est votre affaire, mais je ne suis pas d'accord. Je vous soumets bien humblement que votre haine de Montréal et du registre semblent faire un très mauvais mélange.
Bien à vous,
Alec Castonguay
Journaliste
Le Devoir
M. Alec Castonguay,
Votre diatribe est loin de m'impressionner et je vous dirai même que vous sombrez dans l'émotion viscérale qui n'est pas à votre avantage.
L'émotion ! Nommément le ressort défectueux qui a permis aux mouvements de pression montréalais, voilà dix ans, l'affaire Poly aidant, à aider le Parti libéral du Canada (et le BLOC qui n'avait rien d'un parti d'opposition, comme dans l'Approche commune), à nous imposer, à nous les régionaux, cette loi insane.
Primo, vous me reprochez de ne pas avoir tout lu votre texte. Faux ! Ils sont tous de la même eau et il dit à peu près ceci : —Le registre est un fiasco, l'évidence nous oblige à l'avouer et c'est scandaleux, haro sur le beaudet ! Mais, malgré tout, il y a des lambeaux de chair qui peuvent encore être récupérés du cadavre en putréfaction pour en faire un plat réchauffé qu'il nous faudra bien manger malgré tout.
Secundo, vous m'accusez de nourrir une « haine » pour Montréal, ce qui est une manière bien facile d'évacuer ma critique à votre endroit. À mon tour de vous poser une question : pour affirmer cela, vous êtes vous basé sur ma lettre ou sur le propos de M. Jacques Bergeron de la SSJB, président de la SSJB Montréal, qui était attaché à la présente ? Dans un cas comme dans l'autre, vous avez fait une mauvaise lecture de ma position à cet égard. Comme je l'ai écrit, hier, dans mon blogue (La Communauté Métisse du Domaine du Roy / Mingan : < http://www.metisroymingan.ca/ >) : ce ne sont pas les Montréalais mais bien l'esprit montréalais que j'abhorre, c'est-à-dire cette mentalité qui vous pousse à voir les régions ressources du Québec comme votre cour arrière, votre terrain de jeu, votre colonie.
S'il faut qu'il y ait une prochaine, je suis à l'écoute. Et, dans cette alternative qui n'est pas une attente, je vous propose de lire la pièce jointe...
Russel Bouchard
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