mercredi, novembre 01, 2006

Cachez ce Peuple que je ne saurais voir !

Gérard Bouchard et le « piège idéologique »
par Richard Harvey

Il aura donc fallu plus de six années au professeur Gérard Bouchard, de l’UQAC, pour comprendre enfin, dans la foulée du retentissant sommet des Premières Nations du Québec, le sens profond et intime des revendications autochtones énoncées clairement par le grand chef M. Ghislain Picard au soir de ce sommet historique. Six années donc au cours desquelles ce père de «l’histoire sociale» –celle qu’on invente en fonction des objectifs sociopolitiques et économiques poursuivis – a entretenu et alimenté de toutes ses lubies et errances un discours idéologique proprement erroné et fort mal documenté sur la question. Il se dit donc aujourd’hui, déçu de cette radicalisation (sic) du discours innu.

D’autre part, il fustige du même souffle les Métis en qualifiant leur démarche et leurs objectifs de nébuleux et sans fondement. Ce dernier devrait donc profiter de cette soudaine «lucidité» qui l’affecte pour comprendre, une bonne fois pour toute, que, premièrement, les objectifs, les motifs et les conséquences des démarches qui s’inscrivent dans la mouvance métisse actuelle sont les mêmes que celles des Innus et des Premières Nations; indubitablement les mêmes.

Deuxièmement, que cette mouvance des Métis s’inscrit essentiellement dans un cadre juridique qui échappe à tout discours idéologique ou politique et qu’en conséquence, lui et beaucoup d’autres devront en débattre seuls sur la place publique, ne leur en déplaise.

Troisièmement, ils devront lui et d’autres aussi, s’ajuster à la réalité constitutionnelle canadienne car ce ne sont ni eux, ces idéologues institutionnalisés, ces politiciens et lobbyistes ignorants et hypocrites ou encore ces pseudo-vedettes médiatiques qui règleront la question des droits des Métis, mais bien des juges qui baseront leurs décisions sur le droit jurisprudentiel canadien en matière autochtone. Quelle victoire pour la justice et la dignité!

Quatrièmement, si le professeur Bouchard reconnaît de lui-même que plus de la moitié de la population du Lac-St-Jean-Saguenay-Côte-Nord est métissée, il lui faut reconnaître à fortiori leurs prétentions. Imaginez donc pour finir, si tout ce beau monde joignait les rangs de la Communauté Métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan, la force que nous aurions pour réaliser enfin ce pays souhaité. Un pays autochtone certes; ensembles, Innus, Métis et Canadiens français nous réaliserions ce pays et réussirions, là où ces fossoyeurs de peuples ont lamentablement échoué.
C’est la grâce que je nous souhaite pour le mieux être de TOUS!

Richard Harvey, Métis
L’ascension de N.S
2006-11-01




MISE EN SITUATION :
Invité par le Conseil de Presse du Saguenay à se prononcer sur les actuelles revendications de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan eu égard à la chaise qu'ils revendiquent à la table des négociations sur l'Approche commune, le professeur Gérard Bouchard se demande comment cela pourrait se faire (?). « Qu'est ce qu'on entend par Métis ? Est-ce quelqu'un qui se trouve à un moment donné un ancêtre amérindien ou à la quatorzième génération ? » Selon la lecture qu'il donne au jugement Powley, il ne peut y avoir de communauté métisse historiquement reconnue au Saguenay–Lac-Saint-Jean, « sinon on pourrait quasiment dire que la moitié de la population est Métisse ».

Voilà qui devrait faire plaisir au ministre délégué aux Affaire autochtones du Québec, Geoffrey Kelley, au sénateur d'origine ilnut, Aurélien Gill, au chef Gilbert Dominique, à Rémy Kurtness, aux négociateurs gouvernementaux, aux avocats des Ilnutsh et au ministère de la Justice du Québec qui vient justement de verser 142 500 $ de bel argent neuf à des universitaires de haut calibre afin de pouvoir en juger sur la foi de l'histoire, de la géographie historique, de l'ethnologie et d'un art d'interprétation tout à fait nouveau chez nous, l'ethnogenèse (en espérant que ces derniers leur fournissent les moyens d'infirmer notre existence et notre présence).

Après avoir fait périr les Canadiens français dans sa fabuleuse « nation civique franco-québécoise » (VLB, 1999) ; après s'être attaqué jusqu'à ce mort s'ensuive à la « mémoire trop longue des Canadiens français » (Boréal, 1999 : 49) ; après avoir clairement notifié qu'« il y avait tout un travail de déconstruction à faire dans l'oeuvre » (Boréal, 1999 : 127) de nos poètes et historiens qui ont chanté haut l'esprit de la nation canadienne française ; et après avoir annoncé qu'il était en train de « réécrire l'histoire des Ilnutsh » (à ses yeux, ce sera donc la seule histoire valable !), voilà donc que le professeur Bouchard (Gérard !) tourne ses canons en direction des Métis de son propre Pays ! Si les explications de Bouchard (Gérard !) manquent de limpidité et de vision dans ce dossier de recherches où il vient tout juste de débarquer, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille le laisser tirer sa révérence sans le saluer avec une salve mesurée.

Sur le fond de cette affaire, Bouchard (Gérard !) ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà, si ce n'est qu'il confirme du haut de sa chaire qu'il se trouve bel et bien, au Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord, tout près de 50% de Métis. Cinquante pour cent, c'est environ 180 000 personnes. Cela dépasse notre propre estimation ! Mais enfin ! Si l'affaire vient de Si-Haut et si le journal Le Quotidien prend le temps de le dire, c'est donc que ça doit être vrai à quelque part. 180 000 Métis ! S'il n'y a pas de quoi faire une Nation comme on dit au Canada, c'est plus qu'il n'en faut pour faire une seule communauté et il y a là certainement de quoi faire un peuple ou deux...

Russel Bouchard

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