Introduction
Le 14 juillet 2000, alors que le gouvernement du Québec raboutait les dernières ficelles des fusions municipales qui allaient forcer celles des villes et villages du Haut-Saguenay en une seule entité administrative et politique, la population régionale apprenait que le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et les représentants désignés des quelque 4000 descendants d’aborigènes regroupés autour de Mashteuiatsh s’étaient entendus en sourdine sur la conclusion d’un traité global reconnaissant les droits ancestraux des peuples autochtones de ce territoire. Ce projet d’accord ou traité, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis, sera effectivement très lourd de conséquences comme il a été maintes fois précisé. En reconnaissant, en exclusivité aux Ilnutsh, le titre « aborigène »1 , il scellera, pour l’éternité et sans égard aux droits et besoins des autres collectivités, le titre de propriété collective ancestrale du territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean au profit et avantages exclusifs de cette minorité collective ethno-culturelle. Il réorganisera la manière d’occuper et d’exploiter le territoire régional au profit des trois entités représentatives signataires et au détriment de la population régionale dès lors niée d’existence. Il privilégiera, à tout niveau, un groupe humain particulier (les Ilnutsh) sur des préceptes historiques discutables, sans égard à la réalité socio-économique et démographique voulant que certains groupes ethno-culturels nommément protégés par les articles 1, 2d2 , 73 , 154 , 255 , 276 , 357 et 528 de la Constitution de 1982 soient menacés d’effondrement sinon de disparition (notamment les Canadiens français et les Métis).
Conséquence non moins néfaste pour ces minorités culturelles canadiennes fondatrices déjà affligées des tares de l’exclusion, en plus de nier l’existence d’une population régionale homogène a fortiori canadienne-française9 , le futur traité, dont les paramètres sont déjà définis dans l’entente de l’Approche commune (signée au Château Frontenac, le 31 mars 2004), refuse, en toute injustice, de reconnaître et de tenir compte du fait, réel et incontestable, de l’existence historique, sociale, culturelle et politique des collectivités métisses euro-amérindiennes du Saguenay–Lac-Saint-Jean ; qui sont, elles aussi, des collectivités… « autochtones » dans le sens constitutionnel du terme et officiellement reconnues par un récent jugement de la Cour suprême du Canada (R. c. Powley10, 19 septembre 2003)11.
Au regard de l’histoire qu’aucune plume en quête de vérité et de justice ne saurait nier, la plus ancienne de ces collectivités métisses de la Boréalie québécoise, celle de Chicoutimi, détient du reste une place primordiale sinon mythique dans la mémoire collective régionale. Car c’est effectivement ici, au confluent des rivières Chicoutimi et Saguenay, au cœur de ce qui était alors appelé le Domaine du Roi et de ce qui est finalement devenu (le 18 février 2002, date du décret) Ville de Saguenay, que débarqua dans des conditions très particulières, en 1672, le père des Métis du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Nicolas Peltier ; et c’est également dans ce lieudit où courent encore les mânes des ancêtres de ce peuple fondateur qui n’a cessé d’essaimer depuis, que le Métis euro-amérindien de réputé mémoire, Peter McLeod Jr, un natif de la rivière du Moulin, mit les bases de la localité de Chicoutimi, en 1842, une étape ultime dans la rencontre des deux cultures fondatrices de la région.
À n’en pas douter, ces deux dates de rencontre —1672 et 1842— marquent des temps d’arrêt dans l’histoire de l’occupation du territoire de ce « pays » intime. Elles établissent des points de références de son identité particulière marquée désormais par la cohabitation et le mariage ethno-culturel entre anciens et nouveaux arrivants ; et elles introduisent des chapitres évocateurs appelés à être littéralement niés voire répudiés dans le traité qui court vers une signature officielle, une signature, redisons-le définitive, ineffaçable et lourde de toutes ses conséquences pour ceux et celles qui partagent cet espace territorial depuis plus de trois siècles.
Pour une raison et pour une autre, qui en appellent désormais au débat, ces faits historiques du métissage euro-amérindien, au Québec et plus spécifiquement dans les territoires de la Boréalie québécoise, ont été niés et occultés depuis la Conquête anglaise. Il s’agit maintenant pour nous, à titre d’historien, de Métis natif de Chicoutimi (ascendances française, écossaise et montagnaise) et de citoyen de ce « pays » intime, de soulever le premier coin de ce linceul opaque, et d’établir ce faisant les premiers jalons de cette facette incontournable de la marche du peuplement au Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord (ce qui était, jusqu’en 1842, le Domaine du Roi et la Seigneurie de Mingan*), qui constitue, avec l’Acadie, l’un des principaux creusets du peuple métis du Canada...
dimanche, février 19, 2006
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