La Cour suprême vient de trancher. Ça y est, le port du kirpan, ce couteau cérémonial associé à la culture et à la religion pratiquées par les Sikhes du Canada, peut être porté à l'école et ailleurs, à l'exception des palais de justice, dans les avions et dans quelques rares lieux publiques. Pour les notes et faits pouvant intéresser notre paroisse métisse, rappelons que le port du kirpan avait été interdit il y a quatre ans dans une école de Montréal ; que la famille contesta cette décision arbitraire devant la Cour supérieure qui donna raison à l'institution scolaire ; qu'il y eut appel et que l'affaire aboutit devant la Cour suprême du pays, laquelle fut amenée à trancher sur la valeur constitutionnelle des droits fondamentaux mis en cause. Hier, dans un prononcé de jugement très très attendu, la suprême institution débouta la décision de la Cour d'appel et donna raison à la famille sikhe.
Contrairement à ceux et celles qui réprouvent la décision de la Cour suprême, j'accueille, pour ma part, très favorablement ce jugement dans lequel un droit fondamental vieux comme le monde —le port du couteau traditionnel— est désormais rétabli. Je me souviens, l'an dernier, le 21 juin 2005, lorsque la communauté métisse du Domaine du Roy a fait sa cérémonie du réveil de l'ours sur le site du cimetière du poste de traite de Chicoutimi ; je me souviens que la question du port du couteau, symbole de l'autonomie et de la survivance métisses, fut un sujet fortement discuté. Plusieurs craignaient le zèle des policiers, certains avaient peur que l'image médiatique soit récupérée à notre détriment, et d'autres (auxquels j'étais associé) étaient farouchement en faveur du port. Comme lien de mémoire et maître de cérémonie, je me prévalus donc de ce droit fondamental, notre grand chef et plusieurs autres firent l'éloge de cette symbolique, et tous étaient fiers d'exprimer ainsi leur appartenance à ce peuple qui sortait de sa ouache après un sommeil de 159 ans. On le portait à la jambe, au cou ou à la ceinture, comme il était textuellement expliqué dans notre rituel cérémonial qui s'inspire de nos coutumes ancestrales et que j'avais tenu à résumer ainsi dans notre dépliant publié pour la « Cérémonie du réveil et d'affirmation de la Communauté métisse du Domaine du Roy / Mingan » :
« Le fait de participer à ce cérémonial et de porter la pincée de tabac dans le pot fumant signifie que les individus, les groupes et les collectivités représentés acceptent ce réveil et reconnaissent l'existence de la Communauté métisse (CMDRSM). Cela signifie également que la Communauté métisse (CMDRSM) affirme (ce que symbolise le couteau de chasseur à la ceinture) qu'elle est une mais solidaire, c'est-à-dire qu'elle accepte l'autre, présent et à venir, au même titre qu'elle entend être acceptée, pour ce qu'il est, pour ce qu'il entend être et pour sa contribution à l'ensemble humain vivant dans cette contrée. » Fin de la citation, de l'explication de la symbolique du rituel auquel est associé le poignard métis, l'outil qui a permis à nos ancêtres de nourrir et de protéger sa famille, un objet associé à la vie quotidienne qui plus est un objet de survie qui réfère à la survivance de notre peuple. »
Quoi qu'on dise quoiqu'on fasse, la Cour suprême a tranché. Si ce droit est reconnu aux membres de la communauté culturelle et religieuse sikhe, une communauté allochtone qui, faut-il le préciser, est une valeur ajoutée à ce pays ; comprenons que le peuple métis du Québec y trouve lui aussi son compte puisqu'il compte parmi les peuples autochtones du Canada et que ses droits sont également reconnus et protégés dans l'article 35 de la Constitution canadienne.
Russel Bouchard
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3 commentaires:
Il serait intéressant de connaître la position de la Cour suprême sur le poignard, l'un des signes distinctif des Métis...
Je me demande s'il y aurait deux poids , deux mesures...
Cette question est désormais liée à la jurisprudence. Impossible pour quiconque d'y échapper. Le port du couteau, chez les Métis, est un attribut religieux ostentatoire, comme le Kirpan, comme la croix et tout ce qui y rèfère. Si nous avions des craintes justifiées le 21 juin 2005 pour le porter, considérons que cela est réglé maintenant. Encore une fois, la Constitution canadienne nous entraîne dans des sentiers inédits. Quel est le danger ? L'avenir nous dira. Mais d'ici là, cette brèche est loin d'être banale...
Le Métis
En effet, c'est une brèche et de taille.
Dommage que les élites québécoises de souche ou canadiennes françaises n'aient pas été plus clairvoyantes, plus visionnaires. Elles se sont cantonnées dans une vision des choses qui ne correspondait pas aux attentes de leurs compatriotes.
Elle devra faire face d'ici peu au verdict populaire et je n'ose en imaginer les résultats.
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