mardi, juillet 15, 2008

Rio Tinto Alcan et son Mépris des Métis

L'ancien chef innu du Lac-Saint-Jean, Clifford Moar, siégera au conseil d'administration du nouveau Fonds Rio Tinto Alcan Canada. Selon ce qu'en dit la Presse Canadienne, l'ex-grand chef devient ainsi l'un des sept membres de ce conseil d'administration présidé par le chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Dick Evans, qui le présente comme « la seule personnalité de la région à faire partie de cette fondation ».

Vous, qui en avez vu d'autres, vous avez évidemment compris que la multinationale n'a pas commis ce geste d'accueil pour les qualités intellectuelles de M. Moar, mais bien pour le pouvoir d'interférence politique qu'il représente. La population régionale et la communauté Métisse de ce territoire devraient s'inquiéter de ne pas avoir été conviées à siéger au saint des saints de la multinationale. Si les élus municipaux, les représentants des MRC et les préfets n'ont pas compris qu'ils viennent de se faire fourrer, encore une fois, s'il n'ont pas compris que l'Approche commune est déjà en vigueur malgré l'absence d'un traité formellement signé ; s'ils n'ont pas compris cela, c'est qu'ils ne comprennent strictement rien à ces grands jeux d'alcôves dans lesquels ils ne sont que des figurants de carton (à moins qu'ils en soient, à quelque part, les complices muets et passifs, ce qui ne serait pas une première chez nous).

Si cette nouvelle, qui vient de tomber en plein milieu de l'été, réjouit à juste titre l'ensemble de la communauté ilnuth de Mashteuiatsh qui s'en trouve ainsi honorée (et monétairement gratifiée) ; si cette nouvelle passée dans la passivité estivale fait du bien à la fierté de M. Moar et aux chefs du conseil de bande, les Métis du Saguenay, pour leur part, devraient s'en inquiéter. Les chefs métis et les élus de ville de Saguenay ne doivent pas perdre de vue que les 35 kilomètres du lit de la rivière Saguenay sur lesquels reposent les plus grands pouvoirs électriques de l'Alcan au Québec, leur ont été ravis au début des années 1920 sans aucune compensation et qu'ils sont en droit de réclamer à la fois réparation et compensations.

Je crois que les Métis de la Boréalie québécoise doivent prendre note et fait de ce dernier déroulement où ils subissent le plus grand des mépris de la multinationale Rio Tinto Alcan. Ils doivent garder dans leur tête qu'ils sont toujours propriétaires de ces territoires que l'État québécois a bradés pour une bouchée de pain sans leur demander leur avis. Dans cette manoeuvre équivoque, le moins que Rio Tinto Alcan aurait pu faire, c'est d'inviter l'un des nôtres à cette table en signe de respect et de reconnaissance pour tout ce que nous avons fait pour eux. Un première offrande de tabac aurait été pour nous un moment historique...

Terres-Rompues, terres métisses


Cela dit, à l'automne, je lance un cinquième et un sixième livre sur les Métis de la Boréalie. Le premier, titré « Dans les langes métisses des Terres-Rompues », sera publié à compte d'auteur ; et le second, titré « Les dix textes fondateurs du Peuple Métis de la Boréalie », sera publié à Montréal aux éditions Michel Brûlé.

Dans le premier cas, les Métis du Québec tout entier pourront se réjouir d'y trouver la démonstration et la preuve —irréfutable— de l'existence d'une communauté métisse historique toujours vivante dans le triangle Chicoutimi – Shipshaw — Sainte-Anne. Une première appelée à ouvrir la porte de la reconnaissance de toutes les autres communautés métisses du Québec et de l'Est du Canada. Cette démonstration, qui court sur 162 pages bien documentées, s'appuie sur une multitude de documents historiques, un inventaire cadastral, des généalogies (75 en tout), plus de 40 photos et des témoignages d'anciens qui font remonter l'horloge du temps à la première moitié du XXe siècle, quand nous y vivions en paix, sans devoir rendre de comptes à personne, ni à l'Alcan, ni aux gouvernements, ni aux Ilnutsh.

Pour ceux qui ne connaissent pas ce territoire, les Terres-Rompues sont à la tête de la marée du Saguenay. Elles forment cette portion régionale très accidentée où se rejoignent, dans le tumulte et l'impétuosité du Grand-Remous, les eaux du lac Saint-Jean, des rivières au Sable, Shipshaw et aux Vases, la plus formidable source énergétique du coeur du Québec. C'est à ce confluent qu'ont du reste été construits les grands barrages de l'Alcan au Saguenay (aujourd'hui Rio-Tinto-Alcan). Depuis des temps immémoriaux, cette terre est métisse, totalement métisse, essentiellement métisse, et toujours propriété des Métis puisque notre peuple n'a jamais cédé ces terres qu'on lui a carrément volées.

Russel Bouchard
Lien de Mémoire de la CMDRSM

Photo ci-jointe : le cap du Cran Serré, derrière lequel tournent les turbines des centrales hydroélectriques de Shipshaw et de la chute Wilson. Sur ce cap du Cran Serré, les McLeod, père et fils, y avaient construit une sorte de manoir par où est passé le premier mouvement de colonisation du Haut-Saguenay et du nord du Lac-Saint-Jean.

mercredi, juillet 09, 2008

Ethnicité et danger de dérapage idéologique. Une réflexion sympose pour tous les Autochtones du Canada !

Penser ethnique ou pas
LA CHRONIQUE DE FAVILLA
Les Échos.fr
[ 09/07/08 ] -

« La très sérieuse « Revue française de sociologie » consacre un dossier de son dernier numéro au thème des statistiques ethniques. Convient-il d'autoriser l'identification ethnique des personnes faisant l'objet d'enquêtes statistiques ? La question est, depuis peu, vivement débattue. Le mérite de ce dossier est de présenter sans polémique les arguments en présence.

Le principal argument en faveur de l'établissement de telles statistiques en France, où elles sont interdites, est le bilan positif de cette très ancienne pratique aux Etats-Unis. Les experts considèrent que la connaissance de la réalité des catégories ethniques de la population, objectivée par des indicateurs économiques, sociaux, culturels, est une composante essentielle de la lutte contre les inégalités subies par ces catégories. Plus qu'une composante, les statistiques ethniques seraient même la condition préalable à la mise en oeuvre d'une telle politique. L'argument est simple et percutant : si l'on ne connaît pas la réalité des faits tels que ces catégories de personnes les vivent, il est impossible de définir une politique capable de la corriger. Une société « color blind », aveugle aux différences ethniques, ne peut pas les combattre.

L'argument le plus fort en sens contraire est ce que les sociologues nomment le caractère performatif de l'outil en cause, c'est-à-dire un outil qui, du fait même de son existence, contribue à créer l'objet qu'il est censé décrire. Concrètement, cela signifie que, si l'on questionne des personnes en les classant au départ dans des catégories ethniques, elles vont développer une conscience d'appartenance à ces catégories. A l'issue de son enquête, le statisticien pourra ainsi conclure que « les Noirs ont telle opinion sur tel sujet » mais cette observation aura été influencée dès l'origine par la création de la catégorie « Noirs ». En l'absence de celle-ci, les personnes concernées auraient peut-être exprimé une opinion totalement déconnectée de la couleur de leur peau.

Le risque idéologique que recèle cette controversée statistique est donc sérieux. Il l'est d'autant plus que le modèle républicain français est à l'évidence au coeur du débat. Tout l'effort des Lumières et de la Révolution française a été de libérer les hommes de leurs appartenances sociales, corporatistes, religieuses, en tant que celles-ci constituaient une identité définitive. De cette libération est née le concept d'universel qui est reconnu comme le plus beau cadeau que la France ait jamais fait à l'humanité, sous réserve de la contribution de Kant. Faut-il jeter ce concept par dessus bord au prétexte que son efficacité à produire de l'égalité s'est affaiblie ? Ou bien doit-on conserver la catégorie universelle de « pauvres » en sachant que toute politique contre la pauvreté bénéficiera à beaucoup de « Noirs » mais sans que cette dernière catégorie soit explicitement visée ? Le débat reste ouvert mais l'on mesure mieux qu'il déborde largement les enjeux statistiques.»


Source : http://www.lesechos.fr/info/analyses/4750232-penser-ethnique-ou-pas.htm