mardi, janvier 30, 2007

Recensement fédéral auprès des Métis —Danger danger ! N'Y RÉPONDEZ PAS !

Avec une lettre officielle adressée le 19 janvier dernier au président-chef de la Communauté Métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (M. Jean-René Tremblay), le bureau de Satistique Canada a fait acheminer le formulaire d'une enquête qu'il effectue présentement auprès des autochtones vivant en milieu urbain et hors réserve. Le but exprimé de ces enquêtes, écrit le directeur de la Région de l'Est, Guy Oddo, est « d'obtenir des renseignements utiles sur les conditions sociales et économiques des peuples autochtones du Canada, ainsi que sur le développement et le bien-être des enfants autochtones et du Nord ».

Les questions ainsi soumises, sont sensées —c'est du moins le motif évoqué par le recenseur— « identifier les Autochtones et de déterminer les chiffres de population pour les Premières Nations, les Métis et les Inuit ». « Nous avons besoin, précise encore le recenseur, de définitions claires, d'une terminologie pertinente ainsi que de données précises qui reflètent la réalité de la population d'aujourd'hui »

Cette affaire est loin d'être anodine. Elle doit être abordée avec beaucoup de prudence par le peuple Métis de la Boréalie et du Québec qui, comme vous le savez, a été trahi justement par les Recensements du fédéral à partir de 1861. L'objectif du gouvernement, étant alors de nous faire disparaître non seulement comme peuple mais également dans la mémoire collective de ce pays, ce qui nous aurait été funeste si nous n'avions pas décidé de sortir de notre ouache pour marquer notre présence. À cet égard, le mot d'ordre de notre direction et de notre président-chef est formel :

N'Y RÉPONDEZ PAS !

Il y a comme une sorte de poisson pourri dans ce questionnaire. Un poisson qui pourrait empoisonner les causes que nous avons déposées devant la Cour supérieure du Québec. Comprenez que nous sommes un peuple en marche. Les gouvernements n'ont aucune emprise sur nous et il m'apparaît, personnellement, on ne peut plus clair, qu'ils essaient de nous mettre en boîte. Nous avons lieu de croire que ces informations pourraient être utilisées contre Nous, dans nos causes.

Pour bien saisir l'importance du moment, j'invite les Métis du Québec de prendre connaissance de la réponse officielle du président-chef de la CMDRM.

Nous sommes un peuple ou nous ne le sommes pas. Et si nous sommes un peuple dans le grand tout canadien, qu'on nous reconnaisse d'abord par ce bout du bien grand tout. La bonne foi proverbiale du Peuple Métis a été sa faiblesse. Au fédéral de nous prouver sa bonne foi, ce qui serait un fait historique et nouveau à porter en rubrique pour nous. Les recensements, cela viendra par la suite. Si on nous assure qu'on pourra y trouver notre compte...

Chat échaudé craint l'eau froide...

Russel Bouchard
Lien de Mémoire de la CMDRM


Jean-René Tremblay (CMDRM)
À Marc-André Daigle (STATCAN)


« J'ai reçu votre invitation à participer aux groupes de discussions sur les questions d'identité autochtone. Je suis un peu étonné de cette invitation, n'ayant moi même jamais reçu le formulaire complet permettant de m'inscrire comme autochtone dans mon pays. Nous déplorons le fait que seulement 20% de nos 3500 membres appartenant à la Communauté Métisse du Domaine du Roy et de La Seigneurie de Mingan n'aient pas eu la possibilité de s'inscrire comme autochtone Canadien. Malgré toutes les prétentions et réponses évasives de différents ordres de la part de statistique Canada, nous maintenons que depuis 1851 le gouvernement du Canada travaille à éliminer le fait métis au pays en nous forçant à s'inscrire comme Québécois (pure laine), ce qui ne reflète absolument pas notre identité propre et distincte.
 
M. Daigle, je réitère ma demande que le formulaire complet (et non l'abrégé) soit envoyé à chaque Métis de notre communauté afin que tous puissent s'inscrire adéquatement comme autochtone Métis au Canada.
 
Il va de soit que nous ne reconnaîtrons jamais ce dernier recensement et refusons votre invitation que je qualifie de condescendante. Nous avons demandé à chacun de nos membre de ne pas répondre à votre enquête. Apprenez que le 17 janvier dernier, nous avons déposé en Cour supérieure du Québec une requête de type Haïda et une demande de titre aborigène sur notre territoire qui s'étend de la Baie James à Blanc Sablon. Des réponses à vos questionnements pourraient porter préjudice à nos causes en justice.

Jean-René Tremblay
Président-Chef de la CMDRM »


 

mercredi, janvier 24, 2007

Appréciation littéraire : « Quand le portageur de Chicoutimi rejoint le voyageur de Saint-Boniface »

Courtoisie d'Ismène Toussaint, une amie, et de
La Presse québécoise, novembre 2006

UNION METISSE EST-OUEST

LA LONGUE MARCHE DU PEUPLE OUBLIÉ… PAR RUSSEL BOUCHARD – QUAND LE PORTAGEUR DE CHICOUTIMI REJOINT LE VOYAGEUR DE SAINT-BONIFACE

Voici un ouvrage qui devrait clouer définitivement le bec à ceux qui osent encore prétendre, même dans les plus hautes sphères du gouvernement, qu’« il n’existe pas de communautés métisses au Québec ». Dernier-né d’une trilogie qui avait débuté avec La Communauté métisse de Chicoutimi – Fondements historiques et culturels (2005) et s’était poursuivie avec Le Peuple métis de la Boréalie – Un épiphénomène de civilisation (2006), La Longue marche du Peuple oublié… – Ethnogenèse et spectre culturel du Peuple métis de la Boréalie (2006), de l’historien Russel Bouchard, se veut une réponse sans détours aux exigences que la Cour Suprême du Canada impose aux Métis via l’arrêt Powley de 2003 : établir les assises historiques de leur communauté ; prouver que cette dernière n’a jamais cessé d’exister et existe encore en vertu de ce lien historique ; et démontrer l’originalité de sa culture par rapport à sa double composante euro-canadienne et indienne.

Se fondant sur de nombreux documents et cartes rares, l’écrivain-chercheur est parvenu à retracer l’histoire complète des Métis de la Boréalie, l’un des berceaux fondateurs du métissage, depuis l’arrivée des Européens et l’établissement des premiers postes de traite jusqu’aux revendications actuelles des droits ancestraux et territoriaux de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (CMDRSM – président : Jean-René Tremblay), que le traité d’Approche commune risque de spolier en faveur des Ilnutshs (voir mon article Le Combat des Métis de la Boréalie, mars 2006).

Au-delà de l’aspect scientifique de ce livre, c’est toute une foule de personnages aussi humbles que vaillants, bûcherons, forestiers, artisans, etc., qu’en véritable poète Russel Bouchard fait revivre sous nos yeux avec leurs traditions de chasse, de pêche et de cueillette, leurs mythes et leurs légendes, leur indomptable esprit de Nature, d’Imaginaire et de Liberté. Profondément attachés aux lieux de traite qu’ils considéraient comme leur chez-soi, les marchands de fourrures furent aussi ces intrépides voyageurs qui, au XVIIIe et au XIXe siècles, permirent la pénétration des Blancs au cœur du continent et l’essaimage de comptoirs le long des Grands Lacs ontariens, jusqu’à la fondation de la colonie de la rivière Rouge, futur Manitoba.

Depuis le 21 juin 2005, jour de sa cérémonie de renaissance, le petit peuple de la Boréalie, protégé par l’Ours sacré, est sorti de sa ouâche (tanière) pour dire à la face du monde qu’il n’entend plus faire partie des oubliés de l’Histoire. Ceux que les Recensements de 1851 et 1861 rejetèrent dans l’ombre en tentant de les assimiler aux Indiens des réserves ou aux colonisateurs blancs – et cela, pour ne pas avoir à reconnaître qu’ils étaient les véritables bâtisseurs du pays.

Grâce à cet ouvrage, les Métis de l’Est et de l’Ouest célèbrent de nouvelles retrouvailles. Le 8 novembre dernier, Russel Bouchard a été nommé « historien officiel » de l’Union métisse Est-Ouest et a également reçu des mentions d’honneur du Forum Francophone international (section Québec) et de la Société des Amis de Voltaire (Ain, France), laquelle n’a pas hésité à le comparer à cet illustre combattant de la plume.

Ismène Toussaint
Auteure et membre de l’Union nationale métisse Saint-Joseph fondée par Louis Riel en 1884

N.B. Les œuvres de Russel Bouchard, dont La Longue marche du Peuple oublié…, sont disponible chez l’historien, aux Editions Chik8timitch-Saguenay, 33 rue Saint-François, Québec, Chicoutimi, G7G 2Y5. Pour plus d’informations, consulter le site Internet Le Peuple métis de la Boréalie, www.metisborealie.blogspot.com

dimanche, janvier 21, 2007

« APPROCHE COMMUNE - Les Métis s'adressent aux tribunaux »

« Les Métis s'adressent aux tribunaux
Serge Lemelin
Le Quotidien, Le jeudi 18 janvier 2007
CHICOUTIMI

Les Métis demandent à la Cour supérieure d'ordonner aux gouvernements du Québec et du Canada, ainsi qu'aux quatre communautés innus de Mashteuiatsh, Essipit, Pessamit et Nutashkuan, de s'abstenir de signer le traité de l'Approche commune actuellement en négociation entre eux.

Quatre requêtes ont été inscrites hier dans le district judiciaire de Chicoutimi par la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan qui demande à la Cour de déclarer que les négociations actuelles et la signature du traité qui en résulterait portent atteinte à leurs droits ancestraux, y compris le titre aborigène, lesquels pourraient être éteints à jamais par cette démarche.

Une injonction interlocutoire sera présentable le 5 mars prochain au Palais de justice de Chicoutimi. Elle sera suivie d'une demande d'injonction permanente plus élaborée dont l'objectif est de faire reconnaître les membres de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan comme formant collectivement une communauté métisse et un "Peuple autochtone du Canada" au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette reconnaissance de la Cour supérieure ouvrirait les portes de la salle où se déroulent des négociations entre les quatre communautés innus et les gouvernements provincial et fédéral dan le contexte de l'Entente de principe d'ordre général (EPOG) ratifiée le 31 mars 2004 et qui doit départager les droits de chacun sur le territoire revendiqué.

Les deux demandes d'injonction sont accompagnées de requêtes au fond pour statuer sur les droits des Métis : une requête dite "de type Haïda" pour leur reconnaître le statut de Peuple autochtone du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, les consulter, les accommoder et leur donner un siège à la table des négociations en prévision du traité de l'Approche commune, ainsi qu'une seconde requête pour l'obtention du titre foncier d'aborigène sur les territoires revendiqués.

Les requêtes de la Communauté des métis du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan appuient leurs revendications sur trois expertises de l'historien Russel Bouchard qui confirment l'existence d'une communauté métisse avant l'affirmation de la souveraineté de l'État moderne qu'il situe autour de 1843. Les Métis actuels seraient descendants en grande partie de seize familles souches réparties sur le territoire.

Le chef métis de l'association, Jean-René Tremblay, de Lac-Kénogami affirme regrouper 3400 membres et multiplie les démarches auprès des gouvernements fédéral, provincial et municipaux depuis plusieurs années pour la reconnaissance de son association et obtenir une place à la table de négociation de l'Approche commune. Le 3 décembre 2005, la ville de Saguenay reconnaissait l'existence et la présence de la communauté métisse sur son territoire.

L'association a aussi demandé à être partie prenante des procédures intentées par les Innus de Betsiamites contre Kruger pour la reconnaissance de ses droits sur l'Île René-Levasseur, sur la Côte-Nord.

jeudi, janvier 18, 2007

Titre « aborigène » et droits ancestraux demandés par la Communauté Métisse du Domaine du Roy, à la Cour supérieure du Québec

De gauche à droite : René Tremblay, vice-président ; Russel Bouchard, lien de mémoire ; Jean-René Tremblay, président-chef ; et Maître Daniel Côté, procureur pour la CMDRSM.



La Communauté Métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan (qui regroupe quelque 3400 membres) vient de déposer une requête d'injonction à la Cour supérieure du Québec, dans laquelle elle lui demande d'ordonner aux gouvernements du Canada et du Québec, ainsi qu'aux communautés ilnuts de Mashteuiatsh, Essipit, Pessamit et Nutashkuan, de s'abstenir de signer le traité de l'Approche commune.

Les deux demandes d'injonction sont accompagnées de requêtes au fond pour statuer sur les droits des Métis : une première requête, dite « de type Haïda », vise à leur faire reconnaître le statut de peuple autochtone du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, ce qui devrait leur donner une chaise à part entière à la table des négociations actuelles et futures ; et la seconde, pour l'obtention du titre foncier d'aborigène sur les territoires revendiqués.

De plus amples nouvelles sur cette cause historique, demain, avec un commentaire tiré des journaux locaux
D'ici là, je vous invite à prendre connaissance de la « Déclaration solonnelle qui a été lue publiquement, hier, 17 janvier 2007, sur le portique du palais de Justice de Chicoutimi

Communauté métisse du Domaine du Roy
et de la Seigneurie de Mingan
Déclaration du 17 janvier 2007


Le geste que nous faisons devant le Palais de Justice de Chicoutimi, à Saguenay, est pour, nous, historique et il a valeur de symbole. 

Il signifie que l'Ours Métis, sorti officiellement de sa ouache le 21 juin 2005, affirme haut et fort sa présence et ses droits naturels sur sa Terre sacrée.

Par le langage de l'envahisseur, qui s'est emparé illégalement de ses droits territoriaux et qui lui impose sa loi injuste depuis 1851, il dit, en outre, qu'il était là avant lui ; qu'il est là aujourd'hui ; et qu'il entend être là demain. Il dit qu'il a le droit de vivre librement et dignement ; qu'il a des droits naturels inaliénables qui n'ont jamais été cédés, ni par ententes verbales, ni par traités, ni par sous-entendus.

Et il dit qu'il n'a pas le choix d'utiliser le langage imposé par l'envahisseur pour récupérer, par les règles du droit : primo, son titre de propriétaire foncier (Aborigène) sur le territoire qu'il n'a jamais quitté ni cédé ; secundo, tous ses droits en tant qu'autochtone « métis » ; tertio, sa dignité qui commence par le rétablissement de son nom dans les livres d'histoire du Québec, du Canada et des trois Amériques ; quarto, son droit au bonheur.

Que cela soit enfin dit, écrit et retenu : eu égard aux discussions qui ont cours depuis plus d'une décennie dans le cadre de l'Approche commune, aucun traité d'alliance relatif à l'occupation, à l'usage et à l'aliénation de son territoire, ne peut être discuté, entendu et validé, sans sa présence à la table des négociations, sans sa participation et sans sa signature.

Ce 17 janvier 2007
Pour la Communauté Métisse du Domaine du Roy
et de la Seignuerie de Mingan

Jean- René Tremblay, président-chef
René Tremblay, vice président
Russel Bouchard, Lien de Mémoire

mercredi, janvier 17, 2007

Les néo-canadiens, les néo-québécois et leurs gouvernements, coupables de nihilisme envers les peuples autochtones




Les Premiers Peuples considérés comme immigrants

Dans le débat en cours sur les accommodements raisonnables, le tableau ci-dessous, publié à la page 15 du Journal de Montréal du mercredi 17 janvier 2007 titrant «IMMIGRATION en 5 minutes» classe les 130,165 membres des «Premières Nations» parmi «Les importantes communautés culturelles du Québec» issues de l’immigration.
Les Premières Nations ou les Premiers Peuples ne sont pas issus de l’immigration, au contraire, ils sont antérieurs à l’immigration et on ne doit pas les considérer comme tels dans toutes analyses ou sondages qui laisseraient croire à la population, surtout immigrante, que les aborigènes de ce pays appelés autochtones par la constitutions canadienne, sont d’une culture apparentée à l’immigration.

Jean Jolicoeur
Chef de la Communauté Tea8eakenrat de Kanesatake/Oka de l’Alliance Autochtone du Québec

vendredi, janvier 12, 2007

La poésie, c'est la vérité absolue d'un seul ajoutée à la beauté du monde...

« Ce Monsieur Morrisset n'écrit pas des mots...Il peint des fresques! Quelle écriture!

Comme [le] disait ce Métis de la Rivière Rouge : «... y'a des jours où y'a trop d'étoiles, y'a trop de lune, le ciel est trop clair! »

Nous ne régressons pas, nous avançons à contre courant des malheurs et de la turpitude de ce monde. Parfois même à contre courant de nos propres certitudes. Cette lueur là-bas...au Nord...c'est la nôtre!

Bonne journée

Richard Harvey
Métis, L'Ascension
Lac-Saint-Jean>

mardi, janvier 09, 2007

Les « êtres aux deux esprits ». Avis d'un éminent spécialiste

Comme il semble que je n'ai pas de numéro de passe pour intervenir dans le blogue directement, voici ce que je dirais [à propos de ces « êtres aux deux esprits ]:

D'après ce que nous en savons, les nations amérindiennes n'avaient aucun concept se rapprochant de celui d'homosexualité (lui-même assez récent dans la culture européenne, ne l'oublions pas). Ce qui distinguait les personnes-aux-deux-esprits, hormis leurs qualités humaines estimées, était leur identité de genre, comme nous le dirions nous aujourd'hui, c'est à dire le fait d'adopter un genre féminin dans le cas d''un homme ou encore un genre masculin dans le cas d'une femme, ou encore un genre double chez une même personne, démontrant à la fois du masculin et du féminin.

De surcroît, il était très rare que deux personnes-aux-deux-esprits forment un couple. Ils ou elles formaient des couples avec des hommes ou des femmes (généralement une personne de leur sexe) qui n'était pas comme eux ou elles sur le plan du genre (ce qui montre bien que la notion d'orientation sexuelle était étrangère à ces cultures). Ces couples adoptaient parfois des enfants, rappelons-le (ce qui me fait dire que les mariages entre personnes de même sexe et les adoptions par des couples de même sexe sont une pratique millénaire en Amérique du Nord; c'est leur cessation durant la période coloniale qui constitue l'exception et non pas ce qui se passe depuis quelques années. Hélas, l'histoire des Premières Nations est très méconnue...).

Michel Dorais,
Professeur et chercheur, Université Laval
Auteur de « Éloge de la diversité sexuelle »

lundi, janvier 08, 2007

Vibrant plaidoyer d'un Attikamekw en faveur de son peuple – Un cri du coeur qui est aussi une voix marquée par le bruit du temps

Ce vibrant cri du coeur parle de lui-même et m'interpèle au plus haut point. Je crois qu'il mérite d'être entendu parce qu'il porte un sens. Bien sûr, je ne partage pas tout ce qui est écrit sur le plan très stricte —trop stricte— de la documentation historique qui n'est pas toujours porteuse de vérité. Cet Attikamekw parle la langue du coeur et c'est ce qui m'inporte au premier plan. Nous avons besoin de tels témoignages pour tisser des ponts que l'histoire et les conquérants ont brisés entre nous, entre Attikamekw, Abénakis, Canadiens, Hurons, Ilnutsh, Iroquois, Micmacs, Métis, et tous les autres dont les noms sont toujours gravés dans le grand coeur de l'Amérique.

Nous sommes, chacun à notre manière, le fruit d'une rencontre. Il faut le reconnaître et le savoir apprécier.

Je suis farouchement d'avis que notre chance de survie, je parle de celle des Autochones d'Amérique, tant du Nord que du Sud, tant Indiens et Inuits que Métis, est dans l'unicité et le respect de nos différences. S'il n'y en a qu'un seul qui gagne, il gagne sur le dos des autres et c'est ce que le conquérant a planifié dans ses lois, dans ses traités, et dans l'histoire imposée à son unique avantage. Il faut briser ce moule qui n'est pas sorti de nos songes. Il faut éliminer entre nous toutes ces frontières imposées par l'esprit des derniers arrivants...

Lisez plutôt, et appréciez avec l'esprit ouvert.

Russel Bouchard,
Le Métis



« Je ne sais pas vraiment qui je vois dans la banlieue de Québec. Je ne sais pas à qui je m' adresse. Ils disent [qu'ils] sont les Huron. (Je ne met pas de S car moi, dans notre langue, y a pas de « S » au pluriel). Je veux raconter un peu d'histoire, car tu es un historien. Quand Jacques Cartier a débarqué ici en mai 1534,il a écrit Attigamegues iriniwak et ça c'était à Québec. En français, ça veut dire les hommes Atikamekw. C'est la preuve que nous notre territoire se situait jusqu'à Québec. Ils savaient qu'il y avait d'autres peuples à l'est comme Wapanaki iriniwok (qui veut dire les hommes de l'est), et la terre où le soleil se lève). Les Mikmak, Malisset, Penobscot sont des amérindiens des provinces maritimes et des États-Unis. Les innu étaient au nord est, les Abinaki sud-est.

Je sais que mon peuple a tout gardé les arts chez nous(canot d'écorces, aviron, raquette, confection de la peau d'orignal, castor, paniers d'écorces, mocassins, sacs en peau d'animal,le cône pour le calage d'orignal. Mon grand-père nomade et ainsi de suite devaient marcher sur la neige durant l'hiver pour aller chercher de la nourriture. Jusqu'au temps que les missionnaires viennent chercher leurs enfants chez eux à Manawan en été 1950 jusqu'à 1983. Ça c'est l'histoire de mon peuple et non celle des Huron. Heureusement que les anciens ont travaillé très fort pour garder tout nous traditions et cultures. Ils ont montré ça à leurs fils les plus âgés parce qu'ils étaient trop vieux pour aller apprendre à se faire violer et mal traiter. La tradition sait parler notre langue à tout les jours, également de faire des raquettes, pêcher au filet et sous la glace, qui est rare maintenant, faire le sirop d' érable, choisir et enlever l'écorce de bouleau pour remplir l'eau d'érable. Sans oublier le plus grand héritage d'un grand nomade la fabrication de canot d'écorce de bouleau César Newashish qui a tout montré à ses fils et eux à leurs amis de Manawan.

En 2001, c'était la fête du 300ième anniversaire de la grande paix de 1701 à Montréal, et seul mon peuple Atikamekw sont retourné à Montréal en canot d'écorce de bouleau Rabaska. Ils étaient partis de Trois-Rivières et, après une journée et demi, ils étaient rendus à Montréal. Chasser, trapper, cueillir le bleuet, et faire la pâte de bleuets comme ma famille. C'est un héritage des grand chasseurs et trappeurs nomades. Je pense que s'ils étaient un peuple sédentaire on aurait tout perdu. Aujourd'hui, je vois ce qu'ils voulaient faire [et] vivre en territoire. Je crois qu'ils s'exilaient dans leurs territoire le plus loin possible à cause de la guerre contre les mauvais homme(matcinatwekw, iroquois).Tous les peuples venaient en été au bord du fleuve,même les Algonquin et les villages innus actuels. C'est pour ça qu'on est pas à Québec,nous les Atikamekw parce que vers 1620 à 1701 il y avait des guerres au bord du fleuve. En 1661,une trentaine d'Atikamekw et quelques Français furent tués pas les d'iroquois, selon les historiens de l'époque. Montréal à Tadoussac, on ne voyait que des traces sanglantes de passages des ces fiers ennemis.

Dans ces années là, ont ne connaissait pas encore Jésus. Un peu d'histoire. En 2006 de juin à août il y a un Atikamekw qui est allé tout vendre ses savoir faire traditionnel à Wendake, en banlieue de Québec. Je pense qu'il n'a pas réfléchi en faisant ça. Je pense à toutes les retombées économiques. Les touristes qui vont aller apprécier l'héritage de Cesar Newashish, comme au Musée de la Civilisation de Québec, et de remplir les coffres des huron. Pour moi il n'a pas pensé à l'impact que cela aurait pu faire, il a juste pensé à ses poches (faire de l'argent). Il empêche sa nation (Atikamekw) de se faire connaître mondialement,tout en donnant la chance aux huron de eux se faire connaître mondialement ! Pourtant c'est eux qui ont tout perdu leurs traditions, soit depuis près de 400 ans(les huron). C'est pour ça qu'ils ont engagé quelqu'un qui a un bagage de tradition, mais qui ne s'est pas aperçu qu'il se faisait profiter. Chez nous (chez les Atikamekw), c'est une culture sans interruption, sans arrêt. Pour les Huron c'est une troisième chance : 1, par leurs ancêtres ; 2, déménagement à Québec ; et 3, par le service d'un Atikamekw, Edmond Dubé. Moi j'appelle ça le cadeau du 21è siècle. Pour le peuple qui tous perdu même son attachement envers le territoire en gros, ce que je veux dire c'est que je considère la nation Atikamekw qui a faite un exploit exceptionnel en conservant cette connaissance depuis des millénaires.

M. Bouchard, N'oubliez pas que je suis dans votre canot, je vous soutiens. Je suis entièrement en accord avec vous. Sur ce, je vous laisse.»


[Non signé. Hélas !]

lundi, janvier 01, 2007

Détournement de la Rivière Rupert et problématique autochtone au Québec — Entretien avec Russel Bouchard

Mikaël Lalancette, l'initiateur de cette rencontre, est étudiant en Communication publique à l'Université Laval, option journalisme. Il a monté cet entretien dans le cadre de son cours (« réaliser un entretien avec un intellectuel sur un sujet d'actualité ») et il a choisi de questionner l'auteur d'Akakia sur le projet de la dérivation de la rivière Rupert.

Ce dossier controversé est loin d'être sans intérêt et mérite toute notre attention. Il est à l'image de notre temps ! Il témoigne de l'ampleur des défis qui divisent la société québécoise aujourd'hui ; il questionne la logique d'un sous-développement durable qui confine les régions « ressources » du Québec à un triste rôle d'entrepôts à matières premières ; et il contraint les populations autochtones de ces régions délibérément affamées à la plus dégradante des mendicités, présage déshumanisant d'un patrimoine humain poussé au seuil de l'extinction.
Akakia



La Rupert et les grands projets hydroélectriques

Question :
Que pensez-vous au sujet du projet de la déviation de la rivière Rupert qui permettra au Québec de développer un nouveau bloc énergétique dans les prochaines années ?

Russel Bouchard : C'est là un projet complètement insensé ! Non parce qu'il ne faut pas faire du développement hydroélectrique, mais parce que le Québec, malgré tout ce que nos gouvernements en disent, n'a pas de —vrai— plan de gestion de ses ressources hydrauliques. Bien sûr, le fait de briser une nature si belle est déjà quelque chose qui me heurte au plus haut point. Mais le pire n'est pas là ! Le pire, c'est de voir que ce gouvernement, comme tous les précédents du reste, refuse de soumettre au peuple québécois un projet de développement hydroélectrique cohérent et conséquent... à court, à moyen et à long termes, ce qui en ferait un projet de société où tous les groupes d'intérêts seraient partie prenante.

Tout ça est affaire d'équation et de logique. Je m'explique. Nous connaissons parfaitement bien le potentiel hydraulique du Québec ; nous savons ce que nous avons déjà utilisé et nous savons ce qui nous reste. Si nous étions un peuple sensé et que nos gouvernements écoutaient la voie de la raison, ils nous diraient : voilà ce que nous avons ; voilà ce qui est déjà utilisé ; voilà ce qui reste. Que faisons-nous avec ce potentiel en réserve ? Que prenons-nous pour satisfaire à nos besoins ? Que réservons-nous pour les besoins de nos petits-enfants ? Et que gardons-nous sous clé pour notre sécurité, notre qualité environnementale, notre bien-être et notre équilibre ?

Si, après y avoir bien réfléchi et bien discuté, nous décidons que la rivière Rupert doit être sacrifiée pour nos besoins énergétiques, alors soit, utilisons-là en tâchant de limiter le plus possible les conséquences environnementales. Et faisons-nous devoir sacré de préserver dans la meilleure condition possible ce que nous avons décidé de préserver. Mais voilà, les gouvernements n'agissent pas ainsi. Ils n'ont qu'une seule idée, turbiner, coûte que coûte et tant qu'il y en a.

Et ce qui ajoute à cette incohérence érigée en système, chaque projet de développement est présenté à la pièce, alors qu'il devrait être partie prenante d'un tout. C'est une manière de faire complètement folle et totalement irresponsable ! Je suis d'avis qu'un mouvement de pression environnemental conséquent devrait cesser d'être en réaction. Pour être efficace, ce mouvement de pression devrait : primo, exiger la mise en veilleuse de tous projets de développement hydroélectrique au Québec tant que nous ne disposerons pas de ce plan de gestion ; et, secundo, proposer lui-même sur l'arène publique son propre plan de gestion, ce qui obligerait le gouvernement à s'expliquer, à justifier la voie qu'il a prise, et à proposer un compromis mariant la nécessité économique aux impératifs écologiques.


Question :
Les groupes environnementalistes et les Cris ne se sont pas gênés pour critiquer le projet, qu’ils qualifient en bloc de destructeur, de néfaste et comportant des conséquences négatives nombreuses. Qu’en pensez-vous ?

Russel Bouchard : La réponse se trouve partiellement dans la précédente, à une exception près : elle ne tient pas en considération le fait que cette question ne relève pas seulement des Cris et des environnementalistes, mais de tous les québécois, tant autochtones qu'allochtones. Encore là, le vice vient du fait que ces défenseurs, malgré leur bonne volonté, tentent de sauver une rivière, à la pièce, comme cela a toujours été le cas, et qu'ils s'accrochent au principe que ce projet met en péril leur culture et leur mode de vie, ce qui est une raison des plus discutables compte tenu du fait que la très grande majorité des Indiens ne sait même pas comment on prend un castor au piège. C'est brutal comme constat, mais c'est comme ça ! La Rupert n'est pas que le patrimoine des Cris, mais portion d'un tout qui relève des Québécois, gardiens de ce patrimoine planétaire.

Question :
Les trois-quarts des Cris du nord ont dit non au projet de déviation de la rivière Rupert lors de la consultation publique tenue il y a quelques jours. Selon vous, quels sont les arguments majeurs qui rendent le projet inintéressant pour la communauté cris du nord ?

Russel Bouchard : D'où prenez-vous ces chiffres ? Prenez attention avant de vous compromettre avec ces données que je trouve très évasives.

Question :
Personnellement, que pensez-vous des réclamations des Cris dans ce dossier ?

Russel Bouchard : Je ne les ai pas étudiées dans le détail.

Question :
Bien qu’il y ait trois-quart des Cris qui disent non au projet, il reste un 25% qui l’ont appuyé. Quelles sont leurs motivations ?

Russel Bouchard : L'argent ! Rien que l'argent. Je vois une faiblesse dans votre question : vous mettez tous les cris dans le même panier. Il y a assurément, chez ces gens, un clivage des positions en fonction des différents groupes d'intérêts et de pression qui s'affrontent. J'imagine que dans le 25%, vous retrouverez Ted Mooses (qui, maintenant, vit à Montréal !), une part de sa famille et toute cette clique, qui en retirent les bénéfices ; et que vous retrouverez, dans le 75%, la base populaire qui n'a pas encore touché sa part du sac de trente deniers, qui l'a dilapidée ou qui la trouve encore trop petite. Prenez attention de ne pas sombrer dans le mythe facile du bon Indien. Une part importante d'entre eux n'a aucune conscience sociale et utilise ces mythes urbains pour promouvoir sa lutte.

Question :
Pensez-vous qu’un projet hydroélectrique est avantageux pour les Cris du nord ?

Russel Bouchard : Sans doute, mais tous ne le vivent pas de la même manière. Bien qu'ils ne soient pas le gros du lot, ceux qui vivent encore selon un certain mode ancestral (bien qu'ils soient une minorité et qu'ils comptent parmi les plus âgés) ne doivent certainement pas être d'accord.

Question :
Selon vous, est-ce que les projets de développement hydroélectrique ont donné de l’emploi aux Cris depuis l’émergence de grands projets ?

Russel Bouchard : Absolument ! Ils ont reçu ce qui leur a été promis, n'en doutez surtout pas. Mais construire une série de barrages et détourner des rivières ne procurent qu'une illusion de prospérité puisque cela ne dure que le temps des travaux. Après, c'est le désert ? C'est le sous-développement durable, et il y en a qui l'ont compris. Mais trop tard.

Question :
Le projet d’Hydro-Québec exigera un investissement de quatre milliards de dollars et devrait, selon les prédictions, créer plusieurs milliers d’emplois selon le ministère du Développement durable. Selon vous, comment un projet de cette envergure peut conjuguer les intérêts de la société québécoise et du peuple cris dans son ensemble ?

Russel Bouchard : Foutaise ! L'électricité produite est vendue sur les marchés d'exportation. Elle permet aux Américains, à nos voisins des autres provinces... et aux Montréalais de faire tourner leurs propres usines. Le nord n'est qu'une immense turbine et ce n'est surtout pas les Cris, peu instruits, qui vont en profiter.

Question :
Un projet comme celui-ci peut-il aider au développement des structures économiques présentes chez les Cris ? Développement de créneaux économiques, d’entreprises, de PME ?

Russel Bouchard : À part quelques services utiles aux communautés autochtones et quelques trous de mines, quel industriel, quel commerçant voudrait aller investir dans ces contrées excentriques et hors des circuits commerciaux ?

Question :
Considérez-vous l’attitude gouvernementale comme écrasante pour le peuple cris depuis l’émergence de grands projets hydroélectriques ?

Russel Bouchard : Écrasante partout où ces gouvernements se commettent. Pour eux, Montréal est le « Québec de Base ». Le reste (95% du territoire) n'est qu'un immense entrepôt à matières premières et la cour arrière de Montréal.

Question :
Selon vous, comment devrait se faire le partage des terres au nord du Québec ? À qui appartiennent-elles vraiment ? Quelles sont les solutions pour régler un conflit qui refait surface chaque fois que l’on parle de développement, d’exploitation hydroélectrique ?

Russel Bouchard : Ce territoire appartient aux Autochtones (Indiens, Inuits et Métis —Pas Seulement aux Cris). Le premier problème pour les Cris, c'est que dans la Convention de la Baie James ils ont abandonné leur titre aborigène (ce titre donne droit au territoire, le droit ancestral le plus important).Le deuxième problème vient du fait que les non-Cris ne sont pas considérés comme des ayant droits et ne disposent d'aucune considération citoyenne par rapport aux Cris. Idem pour les Métis qui ne sont pas reconnus par les Cris.

La solution pour régler ce problème ? Je n'en vois pas tant que les Cris, comme tous les Indiens du Québec du reste, ne modifieront pas leur manière de penser (ils sont une nation ethnique, quoiqu'ils en disent ; ce qui, par son essence même, exclut tous les autres qui n'appartiennent pas à cette intimité raciale ; en se percevant ainsi, ils s'excluent eux-mêmes du principe universel voulant que tous les humains naissent égaux en droits. Et, tôt ou tard, ils vont en payer le prix !).


Question :
En avril 2006, on apprenait qu’Hydro-Québec avait déjà entrepris des travaux aux abords de la rivière Rupert dans le Nouveau-Québec, avant même l’examen de projet de déviation de ce cours d’eau. Comment qualifiez-vous ce genre de stratégie ?

Est-ce que c’est significatif des expériences passées entre Hydro-Québec et les peuples Cris ?

Russel Bouchard : Typique de tous les gouvernements du Québec qui se sont succédés depuis Parizeau. (Vous devriez lire mon texte sur « L'hydro-Québec et la filière autochtone ».)

Question :
Le 23 octobre 2001, le projet de déviation de la rivière Rupert et de la construction de barrages hydroélectriques à cet endroit est officialisé par un accord entre le gouvernement et les Cris. Cette entente se fera connaître sous la Paix des braves. On ne s’est pas gênés pour célébrer cette entente historique. Depuis, jugez-vous que la signature de cette entente a fait avancer les choses dans les réclamations des Cris ?

De quelle façon, s’il y a lieu, que la signature de cette entente aurait-elle du faciliter les discussions et développer de nouveaux partenariat. Qu’est-ce qui ne tient plus qui tenait en 2001?

Réponse R.B. : Vous devriez lire mon texte « L’alliance électorale Moses–Landry  : un guignol au pays des hommes blancs ! »

Question :
Selon Jean-François Samray, président directeur-général de l’Association de l’industrie du Québec, en choisissant de signer la paix des braves, les Cris ont accepté la possibilité que ce projet puisse être approuvé à la suite du processus d'examen. Il s'agissait en fait d'une décision courageuse qui montrait leur aptitude ancestrale à prendre des risques pour le mieux-être de leur collectivité. Qu’en pensez-vous ?

Russel Bouchard : Ce ne sont pas les Cris qui ont accepté de signer la paix des braves, ce sont les chefs cris d'alors. Ce qui fait toute la différence. Comment ont-ils informé leurs gens ? Comment les ont-ils consultés ? Cherchez au-delà des réponses déjà formulées et préfabriquées. Dépassez l'objet de votre propre questionnaire, libérez-vous de votre peur de remettre en doute la réalité autochtone telle qu'elle vous est soumise par cette sorte de consensus de la facilité, et vous allez probablement découvrir que là, plus qu'ailleurs peut-être, les principes de la démocratie ont été radicalement bafoués. Chez les Cris comme chez les Québécois, se pourrait-il qu'il n'y ait qu'une apparence de démocratie ?

Les Cris, les Métis et la réalité autochtone québécoise

Question :
Selon vous, quels défis majeurs attendent maintenant les populations autochtones du Québec dans les prochaines années ?

Russel Bouchard : Fondamental, dans le vrai sens du terme ! Vous ouvrez là une porte qui débouche vers le plus grand inconnu les concernant, et je dois vous avouer, modestement, que je n'ai pas la réponse qui me demanderait une autre vie de réflexion. Cependant, pour survivre en tant que société homogène (appelons-là nation), je sais qu'ils devront se resituer face à l'univers physique et métaphysique, ou qu'ils périront d'ici peu. Ils affrontent actuellement le pire défi de leur existence en tant que peuple. À mon sens, leur plus grande difficulté consiste à redécouvrir le sens de leur propre existence, à se réconcilier avec leurs mythes fondateurs, à se libérer du regard qu'ils portent sur eux-mêmes (un regard totalement captif du passé) et à se tourner vers l'avenir.

Posez-vous simplement la question : Pourquoi cette violence qu'ils se font à eux-mêmes ? Pourquoi cette drogue et cette propension à l'alcoolisme ? Pourquoi tant de suicides ??? Car battre les siens, se droguer, abuser de ses enfants, n'est-ce pas s'automutiler soi-même, se suicider mentalement avant de passer à l'acte physique ? Il y a là, dans cette déchéance sociétale, l'indice d'un suicide collectif et d'un malaise fondamental.


Question :
Le débat sur la nation québécoise fait couler beaucoup d’encre. Mais celui sur les nations autochtones ne semble pas susciter de réactions. Pour vois, qu’elle est la réalité autochtone au Québec ?

Russel Bouchard : Votre question est mal formulée. Je trouve que c'est un faux débat de part et d'autre. Nous sommes une nation quand nous décidons que nous en sommes une. C'est un regard que l'on porte sur soi d'abord. Ce que les autres en disent n'est que le reflet de ce que nous en pensons nous-mêmes. On ne doit pas demander que l'autre nous reconnaisse ; on doit l'exiger car cela n'est que justice. On doit s'affirmer. Mais pour s'affirmer on doit en avoir le cran, la détermination et l'absolue conviction.

Question :
Et les métis dans tout cela ?

Russel Bouchard : Idem pour les Métis. Regardez toute la distance parcourue depuis l'automne 2003 (jugement Powley), où la Cour suprême a déjà exprimé que cette réalité collective était incontournable. Les Métis forment un des trois peuples fondateurs reconnus par la Constitution. Il suffit à ceux qui s'identifient Métis de s'affirmer de ce Peuple, comme je le fais depuis au moins vingt ans. Le reste n'est qu'une question de reconnaissance de cette réalité historique par ceux qui ne partagent pas cette identité, qu'une question de respect des Parlements dont la mission est d'abord et avant tout d'assurer la représentation et l'épanouissement de toutes les collectivités ethno-culturelles qui participent à la vie du pays, de la nation canadienne, de la nation québécoise.

Question :
Des leaders amérindiens du Manitoba considèrent que la motion sur la nation québécoise est un manque de respect du pays envers les premières nations. Qu’en pensez-vous ?

Russel Bouchard : Bien peu ! Je ne vois pas où est le problème ?

Quoiqu'en disent les chefs, les nations indiennes du Canada (j'ai bien dit indiennes et non pas métisses ou inuits) sont des « nations ethno-culturelles » et sont, de ce fait, exclusives. Elles le sont d'abord par la loi suprême et la jurisprudence de ce pays, et elles le sont ensuite par leur propre attitude culturelle et politique qui consiste à se fermer radicalement à tout apport exogène. Si vous n'avez pas été statué selon C-31, vous ne pouvez être de ces nations ; le sang détermine l'appartenance ; l'adoption est un fait exceptionnel chez elles aujourd'hui, alors qu'elles (les adoptions) étaient un trait de caractère fondamental de ces sociétés tribales à l'époque de la colonisation. C'est la vision la plus raciste qui soit d'une nation, et les leaders indiens autant que les gouvernements canadien et provinciaux entretiennent cette ambiguïté. Ces « petites nations » portent ainsi donc le gène (si je puis m'exprimer ainsi) de leur propre mort, car une société, une culture, un peuple ne peut survivre s'il n'est pas en expansion à ces égards.

C'est tout le contraire du comportement sociétal historique et contemporain des Métis. Ce peuple est le fruit d'une cohésion, des contacts, des apports exogènes, tant culturels que démographiques. Ce sont des peuples en expansion, a contrario des peuples indiens qui sont en régression dans la réalité.


Question :
La population mêle plusieurs réalités sans y voir de nuances. Y-a-t-il une réelle différence entre indien, autochtone, métis, Inuits et innus ? Quelle(s) est (sont)-elle(s) ?

Russel Bouchard : Retour à la réponse précédente. Il vous faut lire mon livre « La longue marche du Peuple oublié », publié cet automne.

Avant de fermer cette parenthèse, je vois que vous faites la même erreur tenace que les journalistes et la population en général : vous confondez autochtone avec indien, inuit et métis. Autochtone est un terme générique qui englobe les trois spécificités ethno-culturelles. On est « autochtone » canadien, en vertu de l'article 35 de la Constitution, quand on est Indien, Inuit ou Métis.


Question :
Vous dites que le peuple métis redécouvre sa fierté d’être. Ça se traduit comment ?

Russel Bouchard : Lisez mes trois livres publiés depuis le 21 juin 2005, et vous allez tout comprendre. Vous avez un effort intellectuel à faire pour comprendre cela, et je me refuse à vous donner tout cuit dans le bec.

Question :
Dernièrement, lors de la sortie d’une nouvelle affirmant que Québec est une terre huronne, vous avez affirmé que les historiens québécois ont mal fait leur travail dans ce dossier. Concrètement, que pensez-vous de ce dossier ?

Russel Bouchard : Complètement pourri !

Depuis le dernier quart de siècle le courant historiographique québécois a imposé une vision sectaire de l'amérindianité. Les plumes et les penseurs qui le dominent sont presque tous institutionnalisés. Ils se complaisent dans la facilité sécurisante d'un consensus à l'effet que l'histoire a été injuste à leur égard et qu'ils doivent corriger cette situation pour favoriser la signature de traités généreux à leur égard, même au prix de la vérité ; ce qui est totalement inexcusable car l'histoire n'est pas question d'équité mais de vérité comme je l'ai déjà écrit. Les faits ont été déformés pour répondre à ce consensus inacceptable. Pour une raison et pour une autre qui vous restent à évaluer, ces professionnels se sont accrochés à la pensée de Rousseau, qui est également celle du XVIIIe siècle, et qui se traduit par celui « du beau et bon sauvage qui vit en parfaite harmonie avec la nature », ce qui est un mensonge de la plus belle eau et ce qui mérite d'être remis dans son contexte. Voilà ce que je dis.

Je vous suggère de lire le livre que je vous ai gracieusement envoyé ces derniers jours (« La fin de l'Histoire par un témoin oculaire ! »). Tout y est. Vous avec le devoir de vous informer adéquatement et vous devez vous extirper de tout courant de pensée qui ne soit pas conforme à votre propre démarche intellectuelle.


Question :
Les Métis de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont signifié leur intention de s’adresser aux tribunaux car ils affirment que le gouvernement refuse de reconnaître la communauté métisse qui, selon eux, fait partie de l’Approche commune. Qu’en pensez-vous ?

Russel Bouchard : C'est exactement ce qu'il faut faire. Contester l'injustice qui se crée sous nos yeux, par la voie des tribunaux, celle que je privilégie. C'est la manière la plus civilisée qui soit pour régler un contentieux. Selon les jugements de la Cour suprême, le titre aborigène (qui est l'enjeu principal de ce débat) est exclusif. Il peut être partagé entre deux communautés autochtones distinctives sur un même territoire, mais il faut pour cela que ce soit textuellement établi dans le traité. Si les Métis n'obtiennent pas cette reconnaissance explicite dans ledit traité, ils perdent tous leurs droits autochtones jusqu'à la fin des temps. Pour nous, cette reconnaissance est donc une question de vie ou de mort.

Question :
Vous dites qu’après les constructions de barrages, c’est le désert. Que cette prospérité n’est qu’éphémère. Comment développer ce sous-développement durable en réel développement ?
De quelle façon les Cris, par exemple, pourraient profiter à long terme de la production hydroélectrique dans le nord de la province ?

Russel Bouchard : Un barrage et une centrale ne créent aucune richesse sur place. Même pas en terme d'emplois pour l'entretien car tout cela est dirigé de Québec et de Montréal. Les Cris, comme les Saguenéens et les Métis du reste, devraient, dans un premier temps, obtenir pour leur propre développement un bloc d'énergie (mettons 20%, plus ou moins et selon leurs vrais besoins) qu'ils utiliseront pour développer leur propre économie. Les chefs n'ont strictement rien prévu à cet effet dans leurs ententes. C'est totalement insensé. Idem pour les autres ressources naturelles, comme le bois, les mines, etc. ; ils doivent avoir en main les outils de leur développement, c'est-à-dire posséder en propre les moyens de productions nécessaires à leur propre prise en charge et à leur épanouissement. C'est l'abécédaire d'une prospérité économique et d'une société en marche. C'est là l'étape à franchir avant d'accéder à l'autonomie qui est un miroir aux alouettes.

Question :
Vous dites qu’il y a un prix à payer pour les Cris à s’exclure eux-mêmes du principe universel voulant que tout les humains naissent égaux en droits. Quel est-il et surtout, qu’est-ce qui les mène à renoncer à ce droit fondamental ?

Russel Bouchard : Je crois qu'ils n'y ont pas réfléchi. Ils n'admettent pas que ce malaise est fondamental, d'ordre spirituel, qu'il est l'indice d'une perte de conscience collective profonde. Et comme ils sont incapables de faire cet examen en profondeur, ils se recroquevillent dans une vision folklorique de ce qu'ils sont. Ils sont prisonniers de leur passé.

Question :
Vous affirmez que des intérêts différents guident les chefs Cris versus la population crie. Quels sont-ils ?

Russel Bouchard : Comme les chefs et l'élite québécoise, une part des leurs se vendent au plus offrant. Ils ne pensent qu'en fonction du présent. Leur discours réquisitionnent l'idée du droit commun, mais dans leurs têtes ils sont individualistes, désolidarisés des vrais intérêts du groupe dont ils ont la responsabilité. Comme les Canadiens français, ils errent sur une terre qui ne leur appartient plus dans la réalité. Ils ont vendu leur droit d'aînesse. Plusieurs vont finir leurs jours dans le sud, dans des condos achetés en partenariat avec nos chefs à nous.

Question :
De quelle façon concrète la population peut-elle faire réellement entendre leurs réclamations ?

Russel Bouchard : Il n'y a pas de vrai dialogue. Personne n'est réellement à l'écoute. Il n'y a pas de vraie rencontre entre les peuples fondateurs, la « nation québécoise » et la « nation canadienne ».

Question:
Vous parlez de suicide collectif et d’un malaise fondamental. Comment renverser la vapeur ?
Est-ce que ça ne passe pas inévitablement par les mœurs des jeunes ?

Russel Bouchard : Je n'ai aucune réponse. Ou plutôt, vous n'y êtes pas du tout par votre manière de poser la question. Les moeurs sont un symptôme d'un enrichissement ou d'une dégradation de la moralité d'une société quelle qu'elle soit, non une cause. Je constate simplement ce fait. Je suis très inquiet pour eux. Ils doivent s'ouvrir, se libérer l'esprit de cette histoire qui les entrave, ils doivent penser avenir. Ils ont un travail de fond à faire sur eux. Ils doivent s'ajuster sur le plan spirituel, dans le sens qu'ils doivent ajuster leurs croyances à la réalité de ce temps. Cela est incontournable. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Il leur incombe totalement de prendre cette voie, de se redécouvrir un sens, ce qui est une prise en charge existentielle individuelle et collective. Le défi, bien qu'il ne soit pas insurmontable, est énorme. Pour trouver une solution, ils doivent comprendre les vraies causes de leurs malheurs.

Question :
Lorsque vous dites qu’à part quelques services utiles aux communautés autochtones et quelques trous de mines […] et hors des circuits commerciaux, croyez-vous donc impossible le développement d’une réelle base économique et d’affaires sur ces territoires ?

Russel Bouchard : Tout est toujours possible. Même dans un milieu aussi éloigné, hors des circuits traditionnels de commerce, sans infrastructures et aussi rude sur le plan environnemental. Mais pour y arriver, il faudrait, en plus de développer les infrastructures adéquates minimales (ce qui prend de l'argent et du temps), des conditions sociales, économiques et politiques qui n'y sont manifestement pas. Historiquement parlant, ces populations n'ont pas de traditions commerciales, dans le sens moderne du terme ; sur le plan social, je l'ai expliqué précédemment, ce n'est pas la grande forme, loin s'en faut ; sur le plan éducationnel, force nous est de reconnaître que dans l'ensemble, ces gens sont peu instruits, et quand il y en a un qui sort du rang il migre au sud ; et sur le plan économique, elles sont emprisonnées dans un économie de totale dépendance.

Tout ça est lié et forme une système en lui-même. Pour briser ce carcan, il faudrait non seulement des investissements majeurs, il faudrait également du temps, de la volonté, de la détermination et une transformation fondamentale de leur structure de pensée. Ces sociétés sont malades, et l'esprit n'est pas à la guérison.



Conclusion Russel Bouchard

C'est un peu dru comme manière de constater les faits, cela pourrait en choquer plus d'un s'ils leurs étaient exposés brutalement sur la place publique sans une sérieuse mise en contexte (et même avec), et les quêteux de subventions et de diplômes honoris causa qui crèchent dans nos universités crieraient encore une fois au racisme. Mais ces cris outrés ne changeraient rien à la réalité criante : Quoiqu'ils en disent et diront, ces peuples n'auront jamais été autant menacés d'extinction depuis les pestes et les épidémies qui les ont décimées au XVIIe siècle. Leur situation ressemble un peu à celles des ours polaires, dont la survie de l'espèce est menacée par la fonte des glaces que l'on impute aujourd'hui au phénomène du réchauffement de la planète par l'effet de serre. Ils attendent sur la même banquise du temps, que tout se replace, ce qui est loin d'être dans les projets immédiats de Mère Nature...