vendredi, novembre 25, 2016

Rétablir la mémoire de Louis Riel à Saguenay / Lettre au maire Jean Tremblay


Monsieur le Maire
Vous venez d'entamer la dernière année de votre ultime mandat à la tête du conseil municipal de Saguenay qui, ne m'en portez pas grief je vous prie, restera toujours, dans mon coeur et dans la mémoire, la ville de Chicoutimi, la Reine du Nord. Par la présente, j'aimerais attirer votre attention sur un événement marquant de notre histoire nationale, provinciale et municipale, soit l'exécution du Métis Louis Riel, pendu haut et court au gibet de l'intolérance par le gouvernement criminel de Sir John A McDonald, le 16 novembre 1885.

Toute cette affaire avait débuté une quinzaine d'années plus tôt (en octobre 1869), alors qu'un groupe de Métis catholiques dirigé par Louis Riel, avait commencé à s'opposer par la force des armes à un groupe d'arpenteurs qui symbolisaient, à leurs yeux, le délestage de leurs terres au profit des compagnies et des nouveaux colons blancs qui déferlaient toujours de plus en plus nombreux vers l'Ouest. Dans l'échauffourée qui s'ensuivit, les rebelles poursuivirent leur action militaire et s'emparèrent derechef de Fort Garry, signifiant ainsi, avec force au gouvernement, leur vive opposition aux avancées de la colonisation dans la région de la rivière Rouge. Après une longue accalmie suivie d'un long exil qui le mena au Montana, en Nouvelle-Angleterre, au Québec et au Missouri, Riel avait plié sous les instances d'émissaires autochtones et il était revenu (en 1884) s'installer dans le sud de la Saskatchewan, afin de faire avancer, d'un nouveau cran, la cause des Métis et des Indiens comprimés toujours de plus en plus loin par l'avance du front pionnier. Dans la nuit du 18 au 19 mars 1885, lui et un groupe de Métis s'emparèrent de Batoche, formèrent un gouvernement provisoire théocratique et demandèrent la reddition de fort Carlton. Le 22 mars, le gouvernement canadien répliqua avec force à son tour, en détachant dans la région un contingent de 8 000 soldats placés sous le commandement du général Middleton. Le 15 mai, Riel se livrait finalement à la Police Montée du Nord-Ouest, passa en procès à Régina devant un jury composé exclusivement d'Anglais (du 20 juillet au 1er août), fut déclaré coupable de haute trahison, puis condamné à la peine capitale et pendu à Régina, le 16 novembre 1885.

À Chicoutimi, comme dans plusieurs localités du Québec, la population, formée presque exclusivement de Canadiens français et de Métis euro-amérindiens, n'avait vraiment pas apprécié. À sa manière, avec cette dignité qui fait l'éloge des grands peuples nourris de fierté et d'espérance, notre population  avait fortement protesté contre ce geste infâme. Si vous consultez le tome deux de mon livre consacré à  « La vie quotidienne à Chicoutimi au temps des fondateurs (1883–1887) », vous constaterez alors l'ampleur de la contestation menée par nos pères et nos mères, un fait inédit au sein de cette population reconnue pour sa docilité et sa résilience. Cette exécution odieuse de l'un des nôtres, pendue pour avoir défendu le droit à la terre et à la dignité des siens, en aura été une de trop ! Notre frère et compatriote Riel, une figure mythique de notre histoire, représentait l'espoir de tout un peuple, un peuple pauvre sur le plan matériel mais riche de son histoire et de son caractère identitaire, un peuple qui a construit ce pays à force de bras et de souffrances sans jamais demander son reste ; un peuple qui rompait son proverbial silence pour dire, haut et fort, qu'il n'acceptait pas qu'on s'en prenne de la sorte à son plus fidèle fils, un chef qui incarnait à la fois sa souffrance et son désir de liberté confortés par l'espoir de construire un monde meilleur.

Grâce au journal de Jean-Baptiste Petit, ce moment fort de notre histoire aurait passé totalement inaperçu du fait que notre région et notre ville encore naissantes, n'avaient pas encore de journaux pour en graver le fait. L'heure était émouvante, les esprits surchauffés ! Un rien aurait suffi pour embraser la région et lever des gibets pour laver l'ultime affront. Les gens ne le prenaient pas, mais alors pas du tout ! Les plus éclairés du conseil municipal, Vincent Médoc Martin, Ovide Tremblay, William Tremblay dit Beurliche et quelques autres avaient bien essayé de faire voter une avis de motion pour obliger leur député à exprimer leurs désaveux tant à Québec qu'à Ottawa, mais ils furent rapidement réduits au silence par les plus hautes instances du conseil et par le haut-clergé qui, sublime injure, refusa même à ses prêtres la permission de chanter des messes pour le repos de l'âme du martyr.

Monsieur le Maire,
L'histoire que nous continuons d'écrire a donc les yeux fixés sur nous. Elle nous demande instamment de nous acquitter de la lourde dette de mémoire que nos grands-parents n'ont pu honorer en leur temps parce qu'ils n'en avaient ni la force, ni la capacité, ni les moyens. Une dette d'honneur que je vous demande de reconnaître non seulement en tant que premier représentant élu de notre communauté, mais aussi en tant que fils de ce pays intérieur et en tant que Métis qui descend en droite ligne de Charles Tékouérimat, le grand-chef des Montagnais du Saguenay qui a présidé à la naissance de notre communauté dans cette portion de la Boréalie québécoise. Cette dette, Monsieur le Maire, nous ne l'avons pas seulement envers notre histoire qu'on a tenté et qu'on tente encore d'effacer dans nos Parlements ; cette dette, nous devons l'assumer en tant qu'héritiers et héritières de ce même espace identitaire métis que nous partageons. Nous en sommes redevables aux yeux de l'histoire et nous devons l'acquitter par un geste fort, au nom de nos pères et de nos mères qui ont construit ce pays, au nom de ceux et celles de notre génération qui assumons encore la relève pour un bien petit temps, au nom de nos enfants et petits-enfants qui attendent de nous un signe, un tout petit signe les invitant à s'emparer de leur histoire qui est la seule voie possible et souhaitable à leur épanouissement.

En conséquence, je vous demande de profiter de cette dernière année qui vous reste à l'hôtel de ville de Saguenay, pour initier une réflexion susceptible de rétablir la mémoire de Louis Riel en tant que héros national et martyr pour la liberté et, pourquoi pas, graver cette reconnaissance officielle sur un monument qui pourrait rehausser la valeur de la Place du Citoyen, là où les Chicoutimiens se sont réunis dans les jours suivant l'irréparable geste pour dénoncer l'exécution de notre frère patriote.

Russel-Aurore Bouchard
Historienne et Métisse
Chicoutimi

dimanche, août 21, 2016

OTIPEMISIWAK : « Ils ont inventé l'Amérique »

Comme l'indique son sous-titre, ce dernier bouquin, signé Russel Bouchard, se veut d'abord et avant tout une... « RÉFLEXION » très approfondie sur la question métisse au Québec, au Canada et en Amérique du Nord...


mardi, août 02, 2016

Mes deux prochains livres s'en viennent, dont un ultime consacré aux Métis de la Boréalie québécoise

Bonjour à vous tous (toutes)
Depuis le lancement de mon dernier livre, voilà déjà deux ans, je n'ai vraiment pas chômé en terme d'écriture ! Je viens de terminer la rédaction et la mise en pages de mes deux prochain livres : le premier, « OTIPEMISIWAK », se veut une réflexion très approfondie sur les Métis de la Boréalie québécoise et une réponse aux derniers développements sur cette question de l'heure ; le second, le cinquième et dernier tome de « LA VIE QUOTIDIENNE À CHICOUTIMI AU TEMPS DES FONDATEURS (1895-1897) ».

Vous connaissez la formule. Pour être en mesure de passer à l'étape de l'édition, je vends en pré-vente. Ces deux livres seront édités à faible tirage et ne seront disponibles en librairie que s'il en reste au terme de ma pré-vente.

Le premier livre, celui sur les Métis de la Boréalie, compte 120 pages et est vendu 20$ (lancement prévu pour la dernière fin de semaine d'août)

Le deuxième livre, le tome cinq de « La vie Quotidienne à Chicoutimi au temps des fondateurs (1895-1897) », compte 608 pages et est vendu 40$ l'unité (lancement prévu pour le début octobre).

Pour une expédition par la poste, il faut ajouter 15$. Comme vous avez toujours appuyé mon oeuvre, je vous un rabais de 10$ pour les deux.

Si vous n'avez d'intérêt qu'un pour le livre sur les Métis, ce sera aussi très bien pour moi. À vous de me dire ce qui est à votre convenance.

Mes amitiés

Russel-Aurore Bouchard
Historienne et auteure
33 rue Saint-François,
Chicoutimi, Qc.
G7G 418-543-0962

jeudi, avril 14, 2016

Jugement de la Cour suprême du Canada / Les Métis enfin reconnus comme Autochtones au même titre que les Indiens !


Hommage à ma mère Solange, fille de Maggy Tremblay, avec mon frère aîné, grande pêcheuse devant l'Éternel(le), dans son petit paradis terrestre.
La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre en ce matin béni du 14 avril 2016 ! Dans un jugement historique, la Cour suprême du Canada vient de reconnaître les  Métis avec les mêmes droits que les Indiens, en vertu de l'article 35 de la Constitution canadienne.

Ma première impression est celle d'une délivrance, celle d'un accomplissement !!! Cela fait plus d'un quart de siècle que je m'évertue à dire que Nous, les Métis, appartenons aux peuples fondateurs non seulement du Québec, mais du Canada et des trois Amériques. Depuis 1851, depuis la loi qui empêchait, à nos mères, de nous transmettre notre caractère et notre fierté identitaire, nous voilà enfin de retour dans la grande maison. Le septième feu est allumé et nous allons définitivement prendre la place qui nous revient dans l'Histoire des peuples qui ont construit et participent dans l'humanité. C'est extraordinaire ! La lueur au bout de ce long tunnel...

Je dédie ces premiers mots à mes aïeules Adélaïde Matshiragan,
Madeleine Kukuminash, Alexandrienne McKenzie et Christine St-Onge,
Maggy Tremblay et toutes les autres
Soyez assurées, grands-mères, que nous ne vous oublierons pas...

Russel-Aurore Bouchard
Métisse et fière de l'être

vendredi, mars 04, 2016

Le Saguenay–Lac-Saint-Jean, une région née du métissage


Courtoisie, Société historique du Saguenay


Il faut se méfier des historiens comme des économistes. Leur érudition ne garantie en rien l’infaillibilité de leurs propos. Aucun économiste au monde n’avait prévu la crise boursière de 2008-2009. Aucun historien ne peut prétendre à la stricte exactitude des faits du passé.

Même les plus rigoureux, comme Mgr Victor Tremblay, fondateur de la Société historique du Saguenay, transmettent leur vision de l’histoire à travers le prisme de leurs convictions. Comme le dit sans détour, l’historienne et polémiste bien connue, Russel-Aurore Bouchard, « Mgr Victor, par exemple, nous présente une vision toute épiscopale de l’histoire régionale. »

Après des années  de recherches et de voyages dans le temps, l’historienne Russel Aurore Bouchard croit avoir suffisamment amassé de preuves pour avancer que la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean est encore composée aujourd’hui à 75% de descendance métis.  Dans l’une de la centaine de publications dont elle revendique la maternité, «Le dernier des Montagnais», elle démontre que le Montagnais de l’arrivée des premiers européens n’existe plus. Tout au plus, les descendants autochtones d’aujourd’hui sont, selon elle, issus de croisement entre les rescapés de différents clans : Algonquin,  Atikamek, Huron, Abénakis, Cri et autres, épargnés de la maladie et des guerres.

Dans son dernier livre, «Naissance d’une nouvelle humanité au cœur du Québec», la percutante  historienne revient de nouveau sur le sujet. Elle trace, avec rigueur et un souci de l’exactitude  sentie, la passionnante histoire de ces mariages à la mode du temps entre coureurs des bois,  Écossais, Irlandais et sauvagesses. Ces ancêtres, souvent polygames, constituent la fondation même de tout le peuplement du territoire du Saguenay-Lac-Saint-jean.

L’auteure évoque au départ le cas de Nicolas Pelletier, fondateur des postes et missions de Chicoutimi et Métabetchouan en 1670, marié trois fois à des sauvagesses. Elle ajoute que tout au long du XVIIIe siècle que le parcours matrimonial de ces hommes n’était plus une exception. Évoquant le passage des Bacon,  Hervieux, Cleary, McNicoll  et quelques autres, elle écrit : «à eux seuls ces 11 hommes ont connu 30 mariages dont 23 avec des sauvagesses et sept avec des blanches.»

Dans ce magistral éditorial qui prend davantage l’allure d’une  thèse doctorale que de livre d’histoire, Bouchard va même jusqu’à juger sévèrement les chercheurs d’histoire et les anthropologues «qui ont eu tort de mettre dans le même terreau de reconstruction les indiens de la diaspora algique et huronne».

Faisant fi des tabous, elle n’hésite pas à corriger l’anthropologue et célèbre écologiste américain, Peter Farb, en avançant que contrairement à ce dernier, l’endogamie et le mariage entre proches parents n’est plus un obstacle à l’union d’un homme et d’une femme.

Déjà à la création de la première réserve créée par le Canada uni en 1853, environ 38 familles étaient reconnues posséder les critères pour y habiter. Et Bouchard constate dans cette  ethnogenèse du peuple métis de la Boréalie que parmi ces familles se trouvent déjà plusieurs métis. Et toujours, selon cette prolifique auteure, ce sont ces familles, somme toute, qui ont présidé à l’ouverture du Lac-Saint-Jean à la colonisation.

Richard Banford
Chroniqueur 

Richard Banford, a exercé la profession de journaliste et éditorialiste à la Maison de la presse de Chicoutimi pour les journaux Le Quodien et Le Progrès Dimanche, de 1973 à 2005. En 2005, il prend sa retraite et occupe  la fonction d’attaché politique, principalement comme conseiller en communication auprès du maire de Ville de Saguenay. Dans ses temps libres, pour maintenir la forme et l’habitude de l’écriture, il livre ses réflexions sur divers sujets de l’épopée historique de faits divers, des us et coutumes de la région. Il a  été associé longtemps au spectacle de la « Fabuleuse histoire d’un Royaume »  à  titre de comédien.