jeudi, février 19, 2015

Jugement Banford dans la cause Corneau / Une jugement exsangue de compassion qui entache l'honneur de la Justice


Richard Harvey, un Métis qui a toujours su assumer fièrement son sentiment d'appartenance et sa liberté,
 devant le monument du Coteau du Portage, à Chicoutimi



Richard Harvey, 
L'Ascension-de-Notre-Seigneur, Lac-Saint-Jean


Dans son jugement du 10 février dernier, le juge Roger Banford de la Cour supérieure du Québec renvoie les 14 Métis rattachés à la cause dite Corneau (de la CMDRSM), à la case départ dans leur démarche pour une reconnaissance identitaire et le respects de leurs droits inhérents en vertu de l'article 35(1) de la constitution canadienne. Il semble pourtant que le métissage d'une grande partie des familles souches québécoises avec les autochtones des premiers contacts et leurs liens avec des formes de communautés historiques dans l'Est du pays soit un phénomène connu, documenté et reconnu par presque tous les spécialistes en histoire et en sociologie au Québec et au Canada sauf... dans la tête du juge Banford !

C'est du moins la conclusion que je tire de la lecture du texte du jugement dans lequel le juge s'applique à banaliser et démolir, point par point et avec insistance, la thèse des requérants basée sur les travaux et recherches de l'historienne avantageusement connue, Russel-A. Bouchard, à qui il a même refusé le statut de témoin « expert » dans cette cause après avoir basé son jugement sur une bonne partie de ses travaux consacrés à l’histoire des Métis de la Boréalie. Qui plus est, il a jetté un discrédit moral sur la crédibilité de l'historienne, très respectée par ses pairs et dans son milieu en l’occurrence, en évoquant préjudiciablement l’idée du conflit d'intérêt en raison de sa propre démarche identitaire (Métisse), et de ce qu’il conçoit péjorativement comme étant de « l’ambivalence » en raison de l’identité de genre qu’elle assume socialement depuis 2007. Ces épithètes préjudiciables et humiliantes n’aident en rien la Justice pour qu’elle suive son cours et entachent à la fois la bonne renommée de celle-ci et de tous ceux, témoins et intimés, sur lesquels il jette un discrédit.

Si le juge n'a pas erré en droit - et cela reste à voir - et malgré tout le respect que j'ai pour la magistrature, il a manqué de retenu, manqué à l'éthique, et entaché l'honneur de la Couronne par son attitude vindicative et ses attaques personnelles. On se croirait en pleine vendetta tellement il y a excitation chez les tireurs de roches de la bourgade du bout du monde ! Il a carrément fait défaut au devoir d'empathie et de neutralité dans la démarche des requérants et n’a pas respecté les vœux de la Cour suprême du Canada qui recommande de la générosité et une attitude libérale dans son approche et dans son jugement (Van der Peet).

À sa décharge, on dira que la porte était toute grande ouverte à cette sorte de débordements puisque la grande faiblesse de la cause dite Corneau, outre le pâle témoignage de l'intimé lui-même, le caractère timide des témoins « experts », et la stratégie juridique pour le moins discutable des requérants, c'est la CMDRSM elle-même, intervenante dans le procès, qui porte flanc aux critiques les plus acerbes en agissant depuis toujours dans sa gestion coutumière, comme un syndicat de chasseurs sans plus.

Le juge n’y a pas été de mains mortes quand il a qualifié ces derniers d'« opportunistes ». Le terme est dur, trop dur et totalement inacceptable dans une cause où les droits collectifs en vertu de l’article 35(1) sont réclamés. Avait-il tort ? Ça reste à voir ! Mais utiliser ce prétexte dans une défense légitime des Métis contre un système réglementaire et un régime territorial exclusifs portant atteinte à leur identité, en les dépouillant de leur appartenance, en niant leurs traditions, leurs coutumes et leur héritage culturel, et en faisant d’eux des étrangers sur leur propre territoire ancestral, soulève des question sur les intérêts derrière un tel langage.

Sortis du spectre légal et juridique, les Métis représentaient et représentent toujours, malgré tout, le dernier rempart contre les abus des grands prédateurs économiques de la planète et des politiciens soucieux de s’accaparer les ressources naturelles sans tenir compte de leurs droits et de leurs besoins. Au delà des statuts, que cela plaise ou nom au juge Banford, les Métis font partie à jamais de l'ADN identitaire de la nation du Québec !

Richard Harvey
Métis

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