samedi, juillet 01, 2006

Voltaire appelé à la barre de la cause des Métis de l'Acadie, du Québec et du Canada !...

« Une légère querelle entre la France et l'Angleterre, pour quelques terrains sauvages vers l'Acadie, inspira une nouvelle politique à tous les souverains d'Europe. Il est utile d'observer que cette querelle était le fruit de la négligence de tous les ministres qui travaillèrent, en 1712 et 1713 au traité d'Utrecht. La France avait cédé à l'Angleterre , par ce traité, l'Acadie, voisine du Canada, avec toutes ses anciennes limites; mais on n'avait pas spécifié quelles étaient ces limites; On les ignorait: c'est une faute qu'on a jamais commise dans des contrats entre particuliers. Des démêlés ont résulté nécessairement de cette omission. Si la philosophie et la justice se mêlaient des querelles des hommes, elles leur feraient voir que les Français et les Anglais se disputaient un pays sur lequel ils n'avaient aucun droit : mais ces premiers principes n'entrent point dans les affaires du monde. Une pareille dispute élevée entre de simples commerçans aurait été apaisée en deux heures par des arbitres ; mais entre des couronnes il suffit de l'ambition ou de l'humeur d'un simple commissaire pour bouleverser vingt états...»
Voltaire: «Précis du siècle de Louis XV (1768), Éditions Baudouin, 1828, chap. XXXI, pp. 327-328.

Cet extrait de document mérite d'être déposé en preuve, dans la cause qui oppose les Métis au pouvoir colonial du Canada.

Dans le contexte de la lutte pour le droit des Métis et des Indiens, ce passage du Patriarche de Ferney, tiré de son « Précis du siècle de Louis XV », n'est pas sans importance. Car Voltaire est un témoin privilégié du dernier demi-siècle de la Nouvelle-France. D'autant plus que le Traité d'Utrecht (11 avril 1713) est celui qui prépare la Conquête, permet à la perfidie de l'esprit de conquête britannique de préparer l'odieuse déportation des Acadiens (1755), et met la table au futur traité de Paris (10 février 1763). Sa grande conséquence pour nous, est qu'il coupe en deux tout le pays acadien de la Nouvelle-France (le berceau des Métis), et qu'il place sous la botte britannique cloutée la partie sud qui comprend, alors et en gros, le Nouveau-Brunswick et une partie de la Nouvelle-Écosse.

Dans le traité d'Utrecht, les Indiens et les Métis sont totalement ignorés... d'où le combat que nous menons pour le recouvrement de nos droits bafoués. Voltaire, par ce texte, démontre à quel point le vieux principe, terra nullius (voulant alors que les autochtones qui ne cultivent pas la terre sont des animaux et n'ont pas droit à ces terres) est toujours l'âme de ces conquêtes et l'antre de nos ennuis actuels.

Russel Bouchard
Le Fils de l'Étoile du Matin

Note : Arrangement d'une lettre adressée à M. Lucien Choudin, un ami de Ferney-Voltaire et conservateur du château de Voltaire, qui a eu la gentillesse de nous rappeler cet éloquent passage de son oeuvre.

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