mercredi, février 14, 2007

Négociations sur l'Approche commune – Le gouvernement Charest change sa courroie de transmission avant même d'avoir réussi à faire tourner la première

Le ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec, l'honorable Geoffrey Kelley, était à Roberval mardi, 13 février, pour annoncer le retrait de Benoît Bouchard à la table des négociations sur l'Approche commune, et son remplacement par M. Anthony Detroio qui s'est empressé de sauter sur le fromage ainsi tendu par le gouvernement du Québec. Pour ceux qui craignent pour le fond de pension de M. Bouchard, rassurez-vous et ne faites pas brûler de lampions, car M. Bouchard n'a fait que de changer de chéquier, passant ainsi du provincial au fédéral, là où on sait bien faire cette sorte de choses.

Pour ceux qui ne connaissent pas M. Detroio, disons seulement qu'il est fort connu sur la Côte-Nord, et qu'il a été membre du conseil de Port-Cartier durant 31 ans, dont 23 ans comme maire. En effet, M. Detroio n'est pas le dernier venu dans les officines et les alcôves gouvernementales. Comme son prédécesseur, il est un retraité qui s'ennuyait à faire des canards de bois et des petits gâteaux avec sa vieille dans sa doulcereuse retraite, et il sait mieux que quiconque ce qu'est une vessie et ce qu'est une lanterne. Dans ces circonstances, il ne faut surtout pas se méprendre sur son habilité à nous faire passer l'une pour l'autre puisque, aux dires mêmes du ministre Kelley, M. Detroio « connaît très bien le milieu municipal » ; ce qui, dans cette sorte de langue de bois, est une manière de dire que c'est auprès de ces gens qui aiment bien les cinq à sept, et non auprès du peuple, qu'il entend se faire tourner la courroie.

En tout cas, ses déclarations de la veille, pour le moins alambiquées, n'ont pas l'heur d'apaiser mes craintes et mes doutes si, comme je n'ai aucune peine à imaginer, elles réussissent toutefois à apaiser ceux des Montréalais, des journalistes, des députés et des maires de Roberval, Saint-Prime et Saint-Félicien, ces municipalités limitrophes qui ont appris à se repaître des miettes tombant de la table plantureuse de Mashteuiatsh. « Quand j’étais maire de Port-Cartier, dit M. Detroio, j’entendais les gens dire qu’on n’aurait plus le droit de chasser ou d’avoir un chalet. Il faut donner les réponses au public et il faut aussi savoir ce qui chicote les élus et la population blanche. » (Le Soleil, 14 février) « Certains propriétaires de chalet ont peur de perdre leurs baux de villégiature. Ils ne les perdront pas. Ce n'est pas parce qu'il va y avoir un traité que les gens vont perdre leurs privilèges » (Le Quotidien, 14 février). Les soulignés de ces citations textuelles sont de moi.

Premier vice de forme : « population blanche ». On aura pris note par cette citation : primo, que M. Detroio est là pour servir de « courroie de transmission » à un seul segment de la population (« blanche » en l'occurrence !) ; secundo, que cette « courroie » n'a qu'une couleur de peau ; et tertio, qu'elle n'a pas été allongée par le P.M. Charest pour se rendre jusqu'au long house des Métis du Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord, lesquels pourtant, ont utilisé avec une infinie patience tous les canaux de la raison offerts par la démocratie et la Constitution canadienne pour faire valoir leurs droits.

Deuxième vice de forme : « privilèges ». Les propriétaires de chalets doivent désormais se le prendre pour dit : ils n'ont aucun... droit sur ce qu'ils croient être leur propriété, mais bien des... « PRIVILÈGES » ! Ce qui les réduira à rien du tout lorsque dans trois, cinq, dix ou quinze ans il leur viendra à l'idée de vendre, acheter ou donner en héritage leur patrimoine. Comprenez, par cette affirmation officielle particulièrement inquiétante, qu'une fois ce traité signé, les seuls régionaux à avoir des « droits » sur ce territoire qu'ils ont baptisé sur le tard de Nitassinan (la Boréalie québécoise, pour les Métis), seront les autochtones statués ilnutsh, et que les autres, Métis et Canadiens français compris, n'auront que le privilège de locataires. Ce seul point d'ordre est une totale négation de la logique des choses, une insulte à l'intelligence humaine, et l'expression d'un odieux mépris à l'endroit de tous les autochtones vivant sur ce territoire qui sont non seulement Indiens, mais aussi Inuits, Métis et Canadiens français.

Dans ces circonstances, les membres de la Communauté métisse du Domaine du Roy et de la Seigneurie de Mingan, prennent comme une insulte suprême le fait de ne pas avoir été mis au courant de ce jeu de chaises musicales, et une double insulte suprême celui d'avoir été officiellement ignorés dans cette annonce publique qui traduit fort bien l'état d'esprit du gouvernement libéral et de ses négociateurs. Cela étant, on aura compris que les paroles lancées à Chicoutimi par André Harvey (« Pour l'Approche commune, nous voulons favoriser l'harmonie dans le respect mutuel », dixit A. Harvey, dans Le Quotidien du 9 février), en présence du P.M. Charest, n'étaient que des propos racoleurs destinés à s'attirer l'adhésion des Métis de son comté ; qu'elles n'ont fait qu'amplifier nos doutes et notre dégoût de cette sorte de politicaillerie à la libérale ; et qu'elles justifient nos actions déposées en Cour supérieure pour obtenir la reconnaissance de nos droits inaliénables.

Pour dire court et bien, voilà une manière de faire gouvernementale qui va à l'encontre des jugements Powley et Haïda, dans lesquels il est clairement dit que les gouvernements supérieurs doivent obligatoirement : 1- consulter les populations autochtones avant de bouger sur un territoire, ce qui implique directement les Métis ; 2- de négocier de bonne foi ; et 3, de le faire en prenant bien soin de protéger la dignité de ces gens. Devant un tel déni des règles jurisprudentielles directement bafouées par ceux-là même qui sont chargés de les faire respecter, c'est de deux choses l'une : où le gouvernement de Jean Charest est le plus mal intentionné qui soit à l'égard des Métis, ou il a décidé de foncer bêtement vers l'abîme judiciaire en jouant au quitte ou double ; ce qui, dans un cas comme dans l'autre, est un pari bien risqué pour la paix sociale et un jeu de cause à effets bien mal inspiré dans lequel les Métis n'entendent surtout pas jouer. Si cela devait malheureusement arriver, s'il devait le perdre ce pari, ce gouvernement aura été clairement averti. Par voie de conséquences, il devra rendre des comptes envers la Justice qui est la voie que nous sommes contraints de prendre, envers le peuple et envers l'histoire qui s'écrit...

Russel Bouchard

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Apparemment qu'ils ont décidé d'agir avant la campagne car disent-ils il ne sied pas de débattre de ces choses lors d'une campagne . Exactement comme en 2002 souvenez-vous ce sont des sujets trop...délicat. Il y est question de minorité et alors..on ne met jamais les minorités en causes au Québec. C'est pas moderne et c'est mal vu au plan international pour une soi-disant nation "Champion of the world".

Notez que c'est pareil pour les accomodements "déraisonables". On a réglé ( différé plutôt) juste avant d'aller au peuple.Et le bon peuple il gobe...il gobe.!

Les COCOS de la presse vont diriger leur KodaK là où on va leur dire et celui qui voudra faire autrement sera ignoré, voire ostracisé ( je le sais parce que je l'ai vécu).

On va discuter de santé ça c'est sûr pour tout le monde. Aucun des partis en lice n'a d'avance ni ne se distingue des autres car ils sont tous impuissants (parce que mièvresè à régler le cas. Et d'ailleurs ont-ils réellement intérêt à satisfaire la client`le électorale; c'est un cheval de bataille commun pour les politiciens qui justifie qu'on ne puisse aborder des sujets de premier ordre comme la place des Canadiens-français et des Métis dans la mosaïque québécoise...

Je me demande bien quel sera l'agenda. Ah! ouais c'est les sondages ( plutôt les sondeurs) qui vont voir à ça!

Ecoeurant!

Anonyme a dit...

Russel, pourriez-vous arranger l'édition pour que ce soit lisible?

Anonyme a dit...

Un anonyme a écrit :
« Russel, pourriez-vous arranger l'édition pour que ce soit lisible? »

Je ne comprends pas ? Qu'est-ce qui n'est pas lisible ?

Russel Bouchard