dimanche, février 18, 2007

Culture, mariage et amour à la manière du pays...



De tout temps, les observateurs qui ont parcouru les vastes étendues du continent nord-américain ont été unanimes pour décrire à quel point les autochtones aimaient leurs enfants et à quel point l'amour était un facteur déterminant dans la qualité des unions. Les Métis, écrit Marcel Giraud dans son fabuleux livre, « rejoignaient l'Indien par leur tempérament émotionnel. Celui-ci s'exprimait [...] dans l'affection exagérée que, à l'exemple des Indiens, ils portaient à leurs enfants ». Chez ces peuples, en effet, le châtiment corporel et la punition n'existaient pas. Pères et mères préférant en cela valoriser l'amour de la vie, de l'honneur et du courage, au grand dam des missionnaires qui, eux, avaient été élevés à coups de règle et de ceinturon.

Si, dans toutes les nations algonquiennes, le chef de famille (chez les Indiens) ou de clan (chez les Métis) détenait l'autorité et se voyait investi du double rôle de protecteur et de pourvoyeur, la femme lui était associée à part entière. Elle exerçait —et exerce toujours— un pouvoir matriarcal incontestable. Elle transmettait les valeurs culturelles, soignait, consolait, trimait dur et perpétuait les gestuels au quotidien.



Jusqu'à ce que les méfaits de la mondialisation surprennent ces gens dans leurs habitudes séculaires, on ne dira jamais assez à quel point l'univers autochtone était empreint de jovialité, de bonheur de vivre et d'amour. Il n'y avait pas plus rieurs qu'eux, témoignent encore siècle après siècle les missionnaires qui les ont côtoyés.

Chez les Métis, l'union entre un homme (en l'occurrence Blanc) et une femme (en l'occurrence « Sauvage », ce qui veut dire d'origine indienne ou métisse) était non seulement un geste d'amour, mais aussi un acte éminemment social contribuant au jeu des alliances familiales et économiques. Avant l'arrivée des missionnaires et des prêtres séculiers, ces unions étaient faites « à la mode du pays », c'est-à-dire selon la tradition indienne du lieu. Dans l'Ouest canadien, ces unions dites à la mode du pays ont perduré jusqu'aux années 1830 environ, jusqu'à ce que la civilisation euro-canadienne et les missionnaires s'y mettent ; alors qu'au Saguenay—Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord on en retrouve de nombreux témoignages jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Russel Bouchard


Photos : Jacques Boily, Saguenay, c. 1950.

Lectures suggérées :
—André, Anne, Je suis une maudite sauvagesse, Leméac, Montréal, 1976.
—Bouchard, Russel, Quatre années dans la vie du poste de traite de Chicoutimi (1800-1804) / Journal de Neil McLaren,
—Ferland, Marcien, Au temps de la prairie / Histoire des Métis de l'Ouest canadien raconté par Auguste Vermette, Blé en poche, Saint-Boniface, 2006.
—Giraud, Marcel, Le Métis canadien, Institut d'Ethnologie, Parie, 1945, 2t.
—Kermoal, Nathalie, Un passé Métis au féminin, Les Éditions Gid, Québec 2006.

9 commentaires:

Anonyme a dit...

N.B. M. Bouchard,

Il y eut aussi des adoptions à la mode du pays, i.e. des enfants élevés par une autre famille (ce qui s'est fait dans la mienne) parce que la maman était décédée, qu'il y avait beaucoup d'enfants demeurés orphelins de mère. La plupart ont gardé leur nom de famille. Cele se faisait beaucoup en ce temps-là. De plus, il y avait toujours dans ma famille un ou deux enfants du village, soit parce que la maison avait passé au feu, que la mère était malade, etc... Nous nous retrouvions souvent avec une dizaine d'enfants dans la maison. C'est ce que j'ai connu. Maman dirigeait cette maisonnée d'une main de maître et papa lui disait : « Marie, tu vas me ruiner et c'est bien ce qui s'est passé».

Je n'ai aucune gêne à raconter ces choses, surtout qu'elles sont vraies. Il faut raconter notre Histoire et surtout se souvenir de ce que nous avons déjà été.

Marie Mance V
Métisse

Anonyme a dit...

M. Bouchard,

Pour vous connaître, je sais que vous ferez bien un jour quelques recherches, si ce n'est déjà fait,sur l'adoption en tous genres.

Vois un autre aspect de la vie au quotidien dans certaines familles.

Il y avait aussi les cousins et les cousines.

Nous avions deux cousines orphelines de mère et qui étaient sous la garde de notre grand-mère Adélaïde qui était assez âgée et bien peu argentée.

Autant vous dire que c'est maman qui voyait à l'essentiel.

Un exemple : lorsqu'elle achetait des vêtements neufs,etc... à ma soeur aînée et à moi-même, elle en achetait toujours quatre. Un pour chacune de nous. Bien sûr, à cette époque il valait mieux être la plus âgée parce que les plus jeunes, ce qui était mon cas, portaient des vêtements que nous appellerions aujourd'hui recyclés.

Et c'est ainsi que nous vivions avant la révolution tranquille.

Mais ce dont je me souviens le plus, c'est qu'il n'y avait pas de jalousie, ni envie ou autres sentiments de ce genre.

On était heureux finalement.

Marie Mance Vallée

Anonyme a dit...

Au sujet de l'adoption à la mode du pays, vous aurez compris qu'il ne s'agit pas de mon fils, cette fois-ci, mais bien de mon frère Léo Laberge qui a été élevé, éduqué et instruit par mes parents. Il est arrivé chez nous à l'âge de 7 ans et nous l'avons toujours considéré comme notre frère, et ses enfants Frédéric, Félix et Janik comme nos neveux.

Marie Mance Vallée

Anonyme a dit...

L'adoption, tant chez les Indiens que chez les Métis, est effectivement un trait culturel rassembleur. Ches les Indiens de l'époque héroïque, c'était là une manière d'assurer la stabilité démographique du groupe et une manière de diversifier les apports génétiques.

Au Saguenay, l'histoire témoigne d'une multitude de cas d'adoption, dont la plus célèbre, à mes yeux, reste celle d'une partie de la progéniture métisse de Peter McLeod sénior, passée sous l'aile protectrice du couple métis Jean Dechêsne – Marie McLaren.

Anonyme a dit...

Un autre cas d'adoption que j'ai trouvé intéressant, est celle du jeune Indien de Chicoutimi, Zaccharias, adopté par le commis du Poste de traite, Neil McLaren. Le fait est vérifiable dans son journal intime, que j'ai publié en 2001.

Russel Bouchard

Anonyme a dit...

Je trouve votre Blogger très instructif. Après que j'aie visualiser votre site, j'ai décidé de créer quelque chose pour les Métis du Nouveau Brunswick. J'ai également inclus le nouvel hymne des Métis.
Se serait une honneur pour moi, si vous visité mon blogger et me laisser savoir ce que vous pensez de qu`est qui est là, j'ai un grand respect pour votre savoir faire et surtout votre grande connaissance concernant les Métis.
Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas au sujet de blogging, mais j'apprends! Peut-être, vous pouvez m'aider avec ceci, sauriez-vous comment garder un posting au dessus du Blogger? Je souhaite maintenir l'hymne où il est, je ne veux pas qu`il baisse quand j'édite un autre blog.
Pour votre information, Archie Martin est mon frère.

Merci,

Guéganne, une Métisse du Nouveau-Bruswick.

J`ai également, un site perspnel: http://www.gueganne.com

Anonyme a dit...

M. Bouchard, vous écrivez
(...)
Si, dans toutes les nations algonquiennes, le chef de famille (chez les Indiens) ou de clan (chez les Métis) détenait l'autorité et se voyait investi du double rôle de protecteur et de pourvoyeur, la femme lui était associée à part entière. Elle exerçait —et exerce toujours— un pouvoir matriarcal incontestable. Elle transmettait les valeurs culturelles, soignait, consolait, trimait dur et perpétuait les gestuels au quotidien.(...)

Je suis contente que vous souleviez cet aspect des unions métisses et canadiennes françaises.

Au moment de ce qu'on a appelé la révolution féministe, dans les années 70, maman ne comprenait pas du tout ce qui se passait et surtout ce qu'on en disait.Elle m'a même passé une remarque assez significative à ce sujet : « Cela devient insultant, humiliant et méprisant d'entendre toutes ces femmes (il faut bien le dire montréalaise, ceci est de moi) prétendre que nous avons trop d'enfants, que nous serions presque des esclaves de nos maris, etc...»Elle s'est trouvée bien insultée de tous ces discours.

Quant à moi, je ne pouvais être féministe puisque tout ce qu'on dénonçait, je ne connaissais pas cela. Je ne savais même de quoi on parlait. Enfin!

Je croirais que le mouvement féministe a été instrumenté à d'autres fins que celle de libérer les femmes de leur esclavage!!!

Nous avons assisté depuis à la baisse de la natalité, à l'éclatement de la famille, à la naissance de l'enfant-roi, et, en réalité au dysfonctionnement de notre société. Les infos en font état à tous les jours dans les faits divers.

Marie Mance Vallée

Anonyme a dit...

M. Bouchard, vous écrivez aussi dans votre commentaire ceci:

(...)L'adoption, tant chez les Indiens que chez les Métis, est effectivement un trait culturel rassembleur. Ches les Indiens de l'époque héroïque, c'était là une manière d'assurer la stabilité démographique du groupe et une manière de diversifier les apports génétiques.

Il circulait, il y a quelques années, dans certains milieux, l'idée que les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean étaient tous des consanguins.

Cette fable originait d'une étude bien subventionnée sans aucun doute de « Gérard Bouchard » de l'UQAC. Étude réalisée dans le but d'expliquer certaines maladies qu'on retrouve particulièrement dans notre région. À ma connaissance, ces maladies auraient plutôt eu des souches dans certaines provinces françaises d'où originaient certaines familles.

Je me souviens très bien, vers l'âge de 13 ans, puisque l'adolescence prolongée telle qu'on la connaît aujourd'hui n'existait pour ainsi dire pas, lorsque j'eus accès aux entretiens « des grandes personnes », avoir entendu mes tantes et maman, à la suite des bans publiés à l'église le dimanche, s'inquiéter de savoir si les unions en vue étaient consanguines.

Avoir voulu nous réduire à l'état de tarés puisque c'était bien de cela dont on parlait est une offense que je ne peux pardonner. Et celle-là je l'ai sur le coeur, croyez-moi.

Comme quoi, je crois bien que ces études de Gérard Bouchard ont été aussi instrumentalisées afin de nous réduire à l'état de tarés.

Pourquoi???? Poser la question, c'est y répondre.

Marie Mance Vallée

Anonyme a dit...

Pour les tares héréditaires du Saguenay–Lac-Saint-Jean, les recherches en généalogie effectuées par l'IREP ont démenti cette légende urbaine. Ils ont fait la preuve, évidemment, qu'il y a des maladies qui nous sont communes en raison du bassin démographique très original et très restreinte, mais ça s'arrête là.

Pour l'adoption ches les « sauvages » (ce qui comprend les Indiens et les Métis), il faut savoir que la loi de 1850 a établi formellement que dans le Bas-Canada, donc chez nous au Québec, étaient considérés comme « sauvages » 1- tous les sauvages « réputés pur sang ; 2- « toutes les personnes mariées à des sauvages et résidant parmi eux » 3- tous les des cendants de ces derniers couples, ce qui nous reporte automatiquement aux Métis et à leurs descendants ; 4, toutes les personnes vivant avec les « sauvages » ; 5, « toutes personnes adoptées dans leur enfance par des sauvages (ce qui comprend donc les adoptions par des couples ou familles Métis) ».

À noter également que la loi qui définit les « sauvages », est différente, selon qu'on soit dans le Haut ou dans le Bas Canada, et sera abrogée radicalement en 1857 dans la loi pour l'assimiliation des Sauvages. Ce qui nous reporte invariablement à la politique ethnocidaire canadienne visant à éliminer les peuples indiens et métis de l'espace politique canadien. Un odieux crime contre l'humanité dont nous demandons réparation aujourd'hui.

Russel Bouchard