dimanche, mars 19, 2006

Métis de l'Est et de l'Ouest, tous ensemble sur le même radeau construit par l'orage du temps

« Bonjour M.Bouchard
Merci pour vos descriptions sur ce drapeau [métis]. J'aurais une question historique à vous demander s.v.p si vous pouvez me répondre. Voilà : quelles seraient les différences culturelles et traditionnelles entre Nos ancêtres Métis de l'est du Canada et les Métis de l'ouest (Rivière-Rouge) étant donné l'écart entre les années 1600 et 1850. Ma question est peut-être bizarre, mais si ont tient compte de l'influence des autres cultures, us et coutumes, et des modernités des époques vécues, il me semble que nous Métis de l'Est avons une culture distincte de celle de l'Ouest.
merci à l'avance M.Bouchard.
J.-P. Okwari,
Métis, de la communauté de l'est du Canada »


Bonjour M. Okwari.
Je vous félicite. Votre question est fondamentale, et j'ai pris sur moi de la placer au portique pour en faire profiter un plus grand nombre. Je vous dirai d'abord qu'il ne serait pas bien indiqué de m'aventurer, pour l'heure, dans ce champ de recherches qui n'en est qu'à ses balbutiements. Tout reste à faire, et avant de s'y commettre, il nous faudra franchir le pas de la reconnaissance et de l'acceptation. Il y a encore tellement de préjugés racistes contre Nous, les chercheurs de ma génération se sont tellement compromis envers la vérité, le combat est tellement inégale en terme de moyens financiers et institutionnels, que ce serait prendre un risque inutile pour la défense de nos droits et de notre cause que de vous soumettre ma propre vision à cet égard.

Cela dit, les Métis de l'Ouest et du Québec font partie du même processus historique qui marque la civilisation de l'Amérique du Nord. Le Métissage commence avec l'arrivée des premiers hommes et des premières femmes, voilà environ 10 000 ans en ce qui concerne le Québec (soit après la dernière glaciation). Tous ces gens, nos ancêtres, vous et moi, sont dans le même radeau que l'orage du temps a construit. Mais ils n'y sont pas embarqués en même temps. Ceux de l'Acadie et du Québec l'ont construit et mis à l'eau voilà environ un demi-millénaire, et ceux de l'Ouest y ont pris place deux siècles plus tard. Si nous avons à peu près tous des ancêtres euro-canadiens et amérindiens dans notre arbre généalogique, les rameaux se diversifient au fil des passagers qui y embarquent. Mais nous sommes tous là, sur le même radeau, à nous serrer les coudes pour le faire avancer, contre vents et marées.

Côté culturel, le catalogue de nos caractères communs et de nos particularités intrinsèques reste totalement à construire. Et je crois que la génération de chercheurs qui est en train de donner ses premiers coups de rames dans les sillages de la génération qui les précède (dont je suis), ont un beau travail à accomplir. Ils ont l'avantage de ne pas avoir les préjugés de ma génération, ils sont instruits à de bonnes écoles, leurs maîtres sont pour la plupart des gens biens, et ils disposent d'outils de réflexion que nous n'avions pas. Cela dit, ce travail est encore à l'heure des défis. Si les nouveaux chercheurs, envers lesquels je nourris beaucoup d'espoir, ne sont pas capables de se libérer de l'esprit des maîtres qui leur ont appris à se tenir les jambes bien croisées, nous allons devoir attendre une autre génération avant de pouvoir mieux comprendre ce qui nous est arrivé réellement.

D'ici là, rassurez-vous, j'ai l'intention de veiller au grain tant que je le pourrai. Si ces jeunes chercheurs veulent apprendre de nous, alors nous les accompagnerons dans leur voyage ; s'ils veulent nous indiquer une route en tentant de nous convaincre d'être autrement que ce que nous sommes, alors là nous ferons sans eux et eux sans nous...

Russel Bouchard
Le Métis

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