vendredi, mars 17, 2006

Vous avez dit « Premières Nations » !

Le Canada et le Québec, dans leur délire multiculturalisant, sont prêts à reconnaître le moindre petit groupe se réclamant d'un droit collectif quelconque. Ici, dans ce pays et dans cette province, on peut être reconnu membre de l'archiconfrérie des collectionneurs de boutons à trois trous, on peut être no name dans le tout franco-québécois, on peut être italo-canadien ou anglo-canadien, mais surtout pas Métis voire Canadiens français ; et encore moins si on vient du Québec ! Ce pays et cette province sont déjà fracturés en deux, le nord et le sud, la Laurentie et la Boréalie, et les manipulateurs de peuples qui les dirigent font comme s'il en était rien.

Cela dit, j'ai également écouté le documentaire télé de dimanche (référence aux commentaires du sujet précédent), sur les premiers Amérindiens. Fabuleux ! En effet. Pour en savoir plus, je vous suggère un excellent texte signé par feu Philippe Jacquin (un chercheur français d'une qualité exceptionnelle, mais hélas décédé peu après), qui traite de cette question  et se demande d'où viennent effectivement les premiers amérindiens ? Son texte, « Sur la piste mystérieuse des premiers Indiens », a été publié dans un hors série « Géo » (« Indiens d'Amérique du Nord »), en mai 2001. Franchement bon. À lire et à conserver.

Pour faire une histoire courte d'un sujet toujours en délibéré, je vous dirai simplement que nos fabuleux chercheurs se sont toujours entendus —entre eux— pour ne voir que ce qui est politiquement utile de voir et pour affirmer que les premiers Amérindiens sont arrivés de l'Asie via l'Alaska, il y a de cela environ 13 000 ans. Or, des chercheurs, qui ont décidé de défier ces diktats en creusant au-delà des couches dites « clovis » (un style particulier de pierre façonnée), ont découvert des preuves, archéologiques assistées par des tests ADN, que d'autres groupes, originaires de la France (les Solutréens), seraient également venus par l'Atlantique, il y a de cela environ 17000 ans. Et ce n'est pas tout ! Depuis un an ou deux, des chercheurs, qui creusent en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, sont en train de questionner des sites où la présence humaine (les Pericus, venus possiblement de Polynésie ) pourrait remonter, tenez vous bien, à 20 000, 30 000 voire 40 000 ans.

Des découvertes qui bousillent complètement le discours erroné et toujours persistant sur l'origine des Indiens d'Amérique eu égard aux droits du premier occupant. Ce qui ternit, d'une couche supplémentaire de vert-de-gris, l'aura des membres de l'archiconfrérie des chercheurs amérindianophiles patentés (et surtout ceux du Québec, qui ont écrasé de tous leurs poids les chercheurs non-institutionnalisés qui, comme moi et dès 1995, ont voulu dire autrement car ils voyaient autrement (le sort réservé à mon livre « Le dernier des Montagnais », en témoigne avec beaucoup d'éloquence) ; ce qui oblige, déjà, à réécrire complètement l'histoire du premier peuplement des Amériques ; ce qui met à l'avant-scène des revendications autochtones le métissage précoce des populations autochtones du Québec ; et ce qui n'est pas sans inquiéter les communautés indiennes se présentant devant les tribunaux comme membres des « Premières nations » (sic).

C'est en songeant justement à cela, et sur la foi de ces découvertes extraordinaires, que j'ai écrit, au tout début de mon bouquin, « Du racisme et de l'inégalité des chances au Québec et dans le Canada » (2002), cette mise en garde qui en appelle à la modération, à la modestie et à la retenue : « Vous vous réclamez de la « première » nation. Cette règle vous reculera donc à la « seconde lorsque les chercheurs auront terminé à démontrer que l'Amérique a été peuplée par des vagues parallèles et successives de migrants venus de temps, de lieux et de groupes humains différents R.B ».

Russel Bouchard

9 commentaires:

Anonyme a dit...

Ces chercheurs « amérindianophiles patentés » sont en fait eux-mêmes victimes du dirigisme intellectuel, idéologique et conventionnel imposé par les « maîtres du jeu ». Nous vivons en effet dans une époque où l’hégémonie de la conclusion érige en vérité tous les excès et les demi-mensonges pour autant qu’ils permettent de façon sûre l’atteinte des objectifs fixés. Cette hégémonie est en fait une différentiation, une spécialisation devrait-on dire de l’histoire sociale qui consiste à étayer et à justifier les orientations politiques, économiques et sociales des « pouvoirs modernes » sur la foi d’études « orientées et libres » commandées à des chercheurs qui ont grandi sous le couvoir universitaire du savoir institutionnalisé et qui dépendent de lui pour survivre…alors on cherche quoi? Ou mieux…qu’est-ce qu’il nous faut… ne pas trouver?

Anonyme a dit...

« qu’est-ce qu’il nous faut… ne pas trouver? »

Absolument ! L'histoire de la présence amérindienne est à réécrire. Cette histoire, qui avait été écrite initialement sous la férule cléricale et qui était évidemment bourrée de préjugés et de faiblesses interprétatives, a été récupérée par les soutanes universitaires, qui l'ont adapté à la mode du jour (la vocation amérindianophile) pour toutes sortes de raisons dont la politique et les plantureuses subventions ne sont pas étrangères.

Quand j'ai publié mon « Dernier des Montagnais », où il était dit et fortement démontré que les Indiens de la Laurentie avaient disparu au cours du XVIIe siècle et que ceux d'aujourd'hui étaient, dans la réalité des faits, des... Métis, on a crié au raciste. Aujourd'hui, maintenant que l'évidence crève les yeux, maintenant qu'on a compris, maintenant que les Métis du Canada représentent une force subventionnaire importante, on adapte le discours, on trouve les mots pour s'ajuster sans trop se compromettre, et on reçoit, pour assurance de services rendus, les subventions découlant du jugement Powley.

Historiens ou mercenaires, voilà la question qu'il faut toujours prendre soin de se demander lorsqu'un institutionalisé publie la somme de son dernier travail...

Anonyme a dit...

J'ai regardé hier en reprise ce documentaire assez surprenant et qui remet en question bien des idées reçues (hypothèse de Clovis).

Les preuves sont sérieuses, de même que certaines explications, mais je me pose une question à laquelle le documentaire n'a pas répondu, à ma connaissance.

Comment des peuples aussi démunis au plan matériel savaient-ils qu'il y avait des terres habitables à l'Ouest? À tel point qu'ils n'hésitaient pas à risquer leur vie et traverser l'Atlantique sur les glaces pour y parvenir?

Anonyme a dit...

Le savaient-ils réellement ? À ce niveau de la recherche, on peut proposer bien des théories. Suite d'une guerre de clans, d'un bannissement, d'une famine, etc. Bien des scénarios sont possibles et on aura sans doute jamais la réponse assurée. Il n'y a pas d'absolu dans ce genre de questionnement.

Nous savons par contre que la théorie d'une unique migration venue de la Sibérie, n'est plus valable. Il y a eu d'autres moments et d'autres provenances, les preuves sont de plus en plus accablantes. À savoir maintenant comment ? Celui qui voudra vous dire qu'il a la réponse est un sacré menteur...

Anonyme a dit...

Il est certain que ces découvertes remettent en question la notion même de «Premières Nations».

Anonyme a dit...

Ne pas savoir ce qui est réellement arrivé, pour ne pas perdre ses privilèges obtenus par la compromission des historiens et des anthropologues, voilà une partie du problème. Voilà pourquoi les Indiens s'objectent à toute étude sur les restes découverts au cours des fouilles archéologies. On ne veut pas savoir. Alors on brûle les preuves, sous prétexte que ces ossements sont sacrés et que la crémation relève de la culture indienne. Une aberration.

Allez dire cela aux Égyptiens !...

Anonyme a dit...

M. Bouchard,

Que pensez-vous de cette théorie qui voudrait que les Montagnais (actuels Innus), à qui on reconnaît 45% du territoire québécois, n'existaient plus et qu'ils auraient été absents lors de la Grande Paix de Montréal en 1701?

Je me suis toujours demandée pourquoi ils avaient tant insisté pour changer de nom. Serait-ce un détournement mercantile de l'Histoire, à l'image de ce Nouveau-Monde?

Une chose est certaine, nous sommes forcés de douter sérieusement des conclusions des recherches québécoises et canadiennes sur ces sujets.

Faut-il croire que le Nouveau-Monde ne serait que mercantile($$$)ou des ignorants crasses?

Je me demande bien ce que pense l'anthropologue Serge Bouchard de toute cette affaire? Enfin...

Anonyme a dit...

Tout ce que j'en pense est écrit dans l'opuscule consacré à la Communauté métisse de Chicoutimi. Si vous ne l'avez en main, vous pouvez en prendre connaissance dans les prochaines pages de ce blogue.

Anonyme a dit...

je voulais dire... « dans les premières pages de ce blogue ».