vendredi, mars 24, 2006

Vous avez dit... « ethnogenèse » !?

Depuis quelque temps, en fait depuis qu'on s'intéresse à la réalité métisse du Canada et surtout depuis que le jugement Powley en a fait une priorité incontournable (paragraphes 14 et 18), ce terme —« ethnogenèse»— s'impose de plus en plus dans notre panorama. Dans un communiqué précédent, vous avez été mis au courant que nos bons gouvernements ont lancé un appel d'offre au montant de 142 500$ pour amener des groupes savants à évaluer le moment exact où s'est produit le coït du peuple métis canadien ; entendons, évidemment, celui qui a pris pied le long du golfe et la vallée du Saint-Laurent voilà un demi-millénaire, et qui a essaimé, au fil des siècles, jusqu'au Pacific (un peuple, pour ainsi dire, a mare usque ad mare !). On a en du reste traité beaucoup pendant le « Forum autochtone » (forum éminemment secret !) qui s'est tenu les 21 et 22 mars 2006, au Hôtel Loews Le Concorde, à Québec. Deux spécialistes de la question juridique, Maître Marc Watters* de la maison Gagné, Letarte S.E.N.C, et Maître Deborah Friedman**, avocate-conseil au ministère de la Justice du Canada, ont alors livré un véritable plaidoyer envers cette incontournable réalité métisse et ont mis en évidence l'importance de construire le cadre analytique jurisprudentiel à partir de... l'ethnogenèse de ces peuples qui s'en réclament aujourd'hui.

Ethnogenèse, retenez le bien celui-là, car vous n'avez pas fini de vous le faire prononcer, le doigt en l'air ma chère, lorsqu'on parlera de Nous dans les grands salons de Sa Majesté et dans les salles de conférences des universités taturum, qui aiment bien prendre leurs distances avec ces peuples sur lesquels ils s'épanchent. Il faut dire que le terme lui-même prête à toutes les confusions. Selon qu'on soit d'une école ou d'une autre, l'ethnogenèse relève soit du processus organique, politique, culturel ou généalogique, soit politique, historique ou philosophique, voire partiellement cela ou tout cela à la fois. Les combinaison vont à l'infinie.

Pour le commun des mortels, retenons simplement que le terme, bien qu'il porte lui-même à confusion et à interprétation, se reporte invariablement à la « naissance » (du grec « genesis ») d'un « peuple » (du grec « ethnos »), c'est-à-dire d'une communauté humaine, dotée d'une culture, voire d'une langue, d'une mythologie, d'une conscience et d'une identité propres ; un peuple qui vit une relation particulière avec le territoire où il a pris naissance, où il a évolué et où il vit. Ainsi, un nouveau peuple peut naître de la fusion de plusieurs peuples et se différencier des autres par des aspects ethniques, sociaux et culturels spécifiques (traits physiques, langue, us et coutumes). Dans des cas extrêmes, la « science » de l'ethnogenèse peut être utilisée pour catégoriser des populations sur la base de critères strictement raciaux ou ethniques, de manière à diviser la population vivant sur un territoire donné, à la confronter avec une autre, et à lui concéder des droits, des privilèges voire des devoirs en fonction de ces critères. Si la définition d'un concept lié à l'ethnogenèse est difficile et périlleuse à établir, c'est qu'elle peut être utilisée pour discriminer un segment d'une population par rapport à un autre. Dans le cas explicitement soulevé par la l'article 35(2) de la Constitution de 1982, nous croyons comprendre que la Cour suprême (Van der Peet et Powley) entend considérer plus spécifiquement les paramètres historiques, ethnologiques et culturels si ce n'est le mythe fondateur, pour asseoir son jugement.

Voilà pour l'essentiel. L'idée étant de ne pas être soumis aux diktats de ceux et celles à qui on est en train de confier l'impérieuse tâche de nous étudier, il importe donc que chacun de Nous ait une idée de ces concepts savants par lesquels des étrangers s'accordent entre eux pour nous définir et fabriquer des discours où nous risquons d'y perdre au change...


Russel Bouchard

Notes
*Maître Marc Watters, «L'arrêt Powley et son application dans les communautés métisses ».
**Maître Deborah Friedman, « Relier des points : les communautés métisses ayant des droits ancestraux en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ».

9 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonsoir M. Bouchard,

Voici quelques nouvelles brèves qui me viennent de la région par une autre source que ma famille immédiate.

L'association des Métis de la région [Saguenay–Lac-Saint-Jean–Côte-Nord] prend de plus en plus d'importance. Elle est connue et ne l'est pas négativement, au contraire. Certains fondent de grands espoirs.

Certaines familles que je connais bien font des recherches afin de retrouver leurs racines indiennes.

Certains disent qu'il n'y a que les Métis qui font des choses dans le moment au Saguenay.

Qu'ils seraient d'accord pour une région (!!) séparée du reste du Québec, afin de protéger ce qui nous reste.

C'est vous dire le travail extraordinaire que vous faites, de même que M. Harvey.

Au plaisir.

Marie Mance

Anonyme a dit...

Bonjour M.Bouchard,
Pour la plupart de nous (Métis)nous
savons tous que les nations amérindiennes de l'est du canada,(maritimes,bas st-Laurent et cote- nord)se sont eux-memes métissé avec
des premier arrivants d'europe souvent suite à des conflits inter-tribales,des épidémies et beaucoup
d'échanges commerciaux.
Exemple:lors de la déportation des Acadiens beaucoup se sont réfugier
chez les Micmacs ils ont vécus parmit eux,et les deux ethenies ont
échanger leurs modes de vie durant cette période.Deplus certain ce marier et eux des petits métis.
Combien d'exemple comme cela? Ils y
en a beaucoup,nos généalogies respectives en regorge s'appuiant sur des faits historiques.
Devrons-nous aussi apportés des preuves archéologique?
J-P Okwari,
Métis communauté de l'est Canada.

Anonyme a dit...

Il faudra être très vigilant et circonspect parce qu'à mon avis un certain travail souterrain de sape et qui explique bien des prises de position des néonationalistes québécois est déjà fait. Ce qui explique sans doute aussi le contrat octroyé à l'U. Laval.

Voici ce que disait grosso modo l'anthropologue Serge Bouchard à l'émission «Documentaire d'ici : Une langue aux mille visages - La diversité au Canada à TV5 avant hier.

« Nous sommes tous des Métis. Nous avons du sang indien, irlandais, etc...et «un peu» de sang français parce que nos ancêtres originent de provinces françaises telles la Bretagne et la Normandie plus particulièrement. Les habitants de ces provinces au moment de l'émigration étaient bien peu identifiées à ce qu'on appelle la France.»

Ce propos m'a semblé être une «banalisation», une récupération de la définition même du mot Métis et surtout des Canadiens français. Quant à ces derniers, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils deviendront. À mon avis dans l'esprit de des personnes interrogées, nous n'existons déjà plus.Tout le contexte de l'émission faisait en sorte de les banaliser encore plus que les Métis.

Ce qui m'a frappée aussi, c'est de constater que les immigrants de langue française (Africains, Arabes et Asiatiques) désirent faire reconnaître leur Histoire. Il y aurait maintenant des Histoires multiples au Canada.

Nous pouvons penser que les néonationalistes civiques québécois puisent sans plus de réflexion leur nouvelle science à ces sources fédérales.

Qui aura raison? Certainement pas les descendants de Français ou Canadiens français. Leur élite même s'est déjà soumise et depuis plusieurs années à ces idées. Les Métis? On tentera de banaliser leur identité. Les immigrants? Sans doute puisque la volonté du gouvernement fédéral est prête à tout pour éteindre l'identité canadienne française particulièrement et éventuellement l'identité métisse qu'il tentera de noyer si elle porte préjudice à la «nation canadienne».

Anonyme a dit...

M. Bouchard,

On me rappelle rapidement et à l'instant même (cf. Bruno Vallée) que dans le rapport de la Commission royale d'enquête Dussault-Érasmus en 1996, il serait dit à plusieurs endroits «qu'il appartient aux Métis de se définir eux-mêmes».

Donc, il n'appartient pas à un comité d'étude de définir les Métis. Le rôle de ce comité est de recueillir les informations auprès des Métis et de les transmettre à qui de droit.

À vérifier, s'il y a lieu.

Anonyme a dit...

M. Okwari,

Je suis Métisse d'ascendance malécite. Vu que vous êtes un Métis de l'Est, pourriez-vous me dire «sommairement» ou encore me donner une référence à ce sujet, où se situe cette nation sans doute éteinte. Beaucoup de gens de la région de Charlevoix sont originaires du Bas-Saint-Laurent (Cacouna, Rivière-Bleue, Trois-Pistoles, etc...)

Merci.

Anonyme a dit...

Bonjour Mme Vallée,
La meilleure référence que je puis vous donner serait aupres de ma communauté à M.Oakes ou informez vous au conseil des malécites de viger je crois qu'un livre a été publier à ce sujet,mais je crois que vous aurais l'heure juste aupres de M.Oakes.
Cela dit,les malicites en réalité sont des décendants des Etchémins,
cousins des Abénakis et des Micmacs
ils formaient la confédération Etchémikoi,regroupant les nations du bas du fleuve avec un territoire
du Maine(Passamadoquis)jusqu'au maritime.
Je ne prétent pas etre expert,j'espère que cela pourrat vous aider.
J-P Okwari,métis

des Abénakis et des micmacs,ils formait la confération Etchémikoi

Anonyme a dit...

Encore une fois merci, M. Okwari.

Anonyme a dit...

M. Okwari,

Les preuves historiques et archéologiques de ce que vous avancez à propos des Métis de l'Acadie existent! Ce sont les traces indélibiles d'une épopée qui débute dès les premiers contacts sur la côte est de l'Amérique La Hève, Port-Royal, rivière St-Jean et plus au Nord jusqu'à la déportation. C'est extraordinairement riche d'histoire et de culture. Un joyau de l'humanité...une semence qui laisse sa trace jusqu'à nous!

29 mars

Anonyme a dit...

Bonjour M.Harvey,
Vous avez totalement raison et c'est pour ca que nous sommes la comme peuple.
C'est toute cette richesse historique qui fait de nous se que nous sommes.En passant je tiens à vous remercier du courage et de la détermination que Vous,M.Bouchard et Pierre faite preuve sur un autre
site du discussion,à vous évertuer
à informer et à faire prendre consience de l'enjeux de la situation.Dommage que certaines personnes n'ont rien compris de l'importance de ce qui se joue,n'ayant rien d'autre à faire
que d'entretenir des guerres stériles motivé par leur petite royauté et étroitesse d'esprit.
MERCI encore à vous tous.
J-P Okwari
Communauté métis de l'est du Canada.