lundi, février 20, 2006

La place des Métis de la Boréalie et du Canada dans l'autochtonie nord-américaine

Ou pourquoi les Métis de la Boréalie ont besoin d'être partie prenante du futur traité

Aux Etats-Unis les Autochtones sont des « Américains » (ou comme je préfère dire, des «États-Uniens»), c’est-à-dire qu’ils sont d’abord et avant tout de nationalité américaine, autochtones ensuite. Cette puissance qui a conquis son indépendance en 1776, les a donc… totalement assimilés à la nation américaine (du moins ceux qui ont survécu à plus de trois siècles de massacres) qui ne laisse traîner aucune nuance sur ce point de l’unité nationale. Ils on suivi, en cela, la France qui, sous Louis XIII et Richelieu, a procédé à l’unification de la grande partie de son territoire actuel. En France, comme aux Etats-Unis, tu es Français ou tu ne l’es pas.

Autre détail important qu’il me faut souligner avant de passer au cas du Canada. Aux Etats-Unis, les Autochtones sont uniquement des Indiens, alors qu’au Canada, question de l’article 35 de la Constitution de 1982, les Autochtones sont… « notamment » les Indiens, les Inuits et les Métis, trois peuples auxquels pourraient, éventuellement s’ajouter les Canadiens français, les Acadiens et les Néo-Écossais puisqu’établis ici avant 1763.

Cela dit, au Canada, le seul assassinat politique que l’on connaît d’un Autochtone, c’est celui de Louis Riel, notre héros à nous les Métis canadiens-français, qui a été perpétré en 1885, par un gouvernement canadien criminel qui a voulu écraser tous les espoirs de ces peuples afin de s’emparer de leurs territoires (un programme d’élimination ethnique mis de l’avant en 1856 et qui a du reste éliminé dans les statuts —c’est d’une extrême gravité— les Métis du Québec, un génocide que nous nous activons à dénoncer). Ce projet a échoué. Les Indiens, qu’on espérait voir disparaître avec ce siècle, se sont mis à reprendre vie, les Inuits aussi, puis, tout dernièrement les Métis, avec le prononcé du jugement Powley (2003).

En ce qui nous concerne en propre, les Métis de la Boréalie sont ressortis de l’ombre hivernal au début des années 1970, avec les actions de différentes communautés métisses, un long processus auquel s’associent la parution récente de mon livre sur la Communauté métisse de Chicoutimi, et la cérémonie de l’éveil de l’ours, à laquelle j’ai participé officiellement, le 21 juin 2005, en tant que lien de mémoire, sur le site du cimetière de l’ancien poste de traite de Chicoutimi, une date qui marque notre sortie de la ouache, après un long hiver de 159 ans. Consciente de notre réalité et considérant qu'elle était « elle -même l'hôtesse d'une communauté autochtone « Métisse » fondatrice et toujours existante sur son territoire » , le 5 décembre 2005, le Conseil de Ville de Saguenay adoptait, à l'unanimité, une résolution dans laquelle il reconnaissait officiellement notre existance et s'engageait à intercéder auprès des deux paliers de gouvernements supérieurs pour qu'ils abondent en ce sens.

Pour répondre à la seconde partie de la question, le Canada n’a pas été en mesure de faire l’unification des communautés ethno-culturelles évoluant sur son territoire : les Québécois se définissent autrement et veulent même se séparer, les Indiens se disent d’une nation indépendante de la nation canadienne mais acceptent de participer à cet univers, et les Métis voient de plus en plus les choses de cette façon. Bref, il n’y a pas de nation canadienne au sens unitaire du terme. Et dans ce niveau de conscience nationale, dans cet état d’esprit les territoires appartiennent à ceux à qui on les reconnaît, soit par la voix de reconnaissances officielles à l’Assemblée nationale, soit par le biais d’ententes spécifiques comme celle bien drôlement appelée de « paix des braves », ou soit par la voie de traités comme c'est le cas avec celui que les gouvernements s'appliquent à signer avec les Ilnutsh sous l'appellation de l'Approche commune.

Cette dernière entente, plaisons-nous à le répéter, est, en quelque sorte, une acceptation de la balkanisation du territoire québécois sur le territoire du Québec. Et ne pas y être nommément reconnu comme partie prenante équivaut, pour les Métis de la Boréalie, à être rayé de l'histoire, rayé de la réalité politique, rayé du droit à l'existence et au bonheur. Trouvez-moi un peuple au monde qui accepterait de se faire contraindre à une telle fin...

Russel Bouchard

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